FAUT-IL OU PAS CÉLÉBRER LA FÊTE DE NOËL? (2e partie)

En français, le mot « Noël » vient de la locution latine natalis dies (« jour de naissance de Dieu »), qui subira plusieurs évolutions graphiques. Au 12e siècle apparaît l’expression « la Noël », une ellipse de l’expression « la fête de Noël ». Néanmoins, comme je l’ai expliqué, personne ne connaît la véritable date de naissance de Yeshua puisque cette information n’est pas fournie dans la Bible. Dans ce cas, pourquoi célébrons-nous la naissance du Christ le 25 décembre ?

POURQUOI LE 25 DÉCEMBRE ?

Dans l’Antiquité, il n’était pas de coutume de souligner le jour de naissance de qui que ce soit, l’accent étant mis sur les décès et l’empereur étant le seul individu à qui on souhaitait son anniversaire. Jusqu’au 2e siècle, on ne commémore pas la naissance du Messie puisque Sa mort et Sa résurrection, c’est-à-dire la fête de Pâques, sont plus importantes. L’allusion la plus ancienne à une célébration « officielle » de la naissance de Yeshua remonterait à l’an 129 lorsqu’un évêque romain, Télesphore, a déclaré : « Lors de la sainte nuit de la Nativité de notre Seigneur et Sauveur, tous chanteront solennellement le Cantique des Anges. » Par ailleurs, des documents de l’an 200 montrent que les premiers chrétiens pensaient que Yeshua était né et mort le jour de Sa conception, c’est-à-dire le 14 du mois de Nisan, le jour de la Pâque et qui correspondait, selon eux, au 25 mars. Ainsi, Sextus Julius Africanus, dit « Jules l’Africain », a affirmé dans ses Chronographiai chrétiennes publiées en 221, que Yeshua serait né, neuf mois plus tard, le 25 décembre. Selon cet historien chrétien, l’ange Gabriel serait apparu à Zacharie pendant la fête de Yom Kippur. C’est en 336, pendant le règne de l’empereur romain Constantin, que la date de célébration de la Noël a été fixée au 25 décembre (ce qui correspond au 7 janvier sur le calendrier julien) . Les raisons incontestables du choix de cette journée restent inconnues. Jusqu’à la fin du 4e siècle, l’Église primitive commémorait également la naissance du Christ le 6 janvier (une date choisie par Épiphane de Salamine). L’Épiphanie ou Théophanie était alors l’occasion de souligner, entre autres, la visite et l’adoration des mages ainsi que le baptême de Yeshua. Aujourd’hui, cette fête célèbre uniquement la visite des rois mages. En revanche, l’Église apostolique arménienne, qui a opté pour la conservation des us de l’Église primitive, célèbre à la fois Noël et l’Épiphanie le 6 janvier.

La plupart des pays dans le monde utilisent aujourd’hui le calendrier grégorien mis en place par le pape Grégoire XIII en 1582. Cependant, de nombreuses églises orthodoxes et coptes se servent encore du calendrier julien. C’est ainsi que bien que le 25 décembre (ou la nuit du 24 au 25 décembre) soit la date à laquelle la plupart des gens célèbrent Noël dans le monde, la Nativité du Christ est célébrée à d’autres dates par certaines dénominations chrétiennes. La plupart des membres de l’Église orthodoxe grecque fêtent Noël le 25 décembre. Néanmoins, certains de ses membres utilisent encore le calendrier julien et célèbrent donc Noël le 7 janvier. Certains catholiques grecs, de même que les Églises orthodoxes de Russie, de Serbie, de Jérusalem, d’Ukraine et d’autres pays (Égypte, Éthiopie) fêtent également Noël le 7 janvier. En effet, le 7 janvier est l’équivalent dans le calendrier julien du 25 décembre (du calendrier grégorien).

 

FÊTE AUX ORIGINES PAÏENNES ?

Certaines personnes ne célèbrent pas Noël, car ils estiment qu’elle a été inventée afin de contrecarrer et se substituer aux anciennes célébrations païennes du solstice d’hiver, qui tombe le 21 ou 22 décembre dans l’hémisphère nord. Pour la plupart des peuples de l’Empire romain et qui ne croyaient pas en l’Éternel, cette première journée de l’hiver, qui correspond à la plus longue nuit de l’année, était l’objet de diverses célébrations. Le solstice d’hiver se produisait le 25 décembre, une date qui avait été fixée par Jules César, lors de la réforme du calendrier lunaire en faveur du calendrier julien.

Deux principaux festivals païens sont considérés comme les précurseurs de la fête de Noël.

  • Le festival du Sol Invictus (« Soleil invaincu ») avait lieu afin de célébrer la « victoire » du soleil sur la noirceur de l’hiver. Sol Invictus était un dieu étranger (syrien selon certains, perse selon d’autres) que les Romains se sont mis à adorer. Le 25 décembre 274, dans le cadre des festivités relatives à sa victoire sur la reine Zénobie, l’empereur romain Aurélien va instituer le culte dédié à ce « dieu » en tant que religion d’État. Ce jour devient celui d’une fête officielle nommée dies natalis solis invicti (« jour de la naissance du Soleil invaincu »). Après sa conversion au christianisme, Constantin 1er, un fervent adepte du culte du « Soleil invaincu. », supprime le festival associé à ce culte. Désormais, l’empereur ne commémore que la naissance du Messie, le 25 décembre. En 354, le Pape Libère fixe le 25 décembre comme date officielle de célébration de la Nativité du Seigneur, une date qui sera officialisée par le concile de Constantinople en 381. D’ailleurs, dans le calendrier de Philocalus (ou calendrier « philocalien ») inclus dans le Chronographe de 354, la date du 25 décembre est soulignée comme étant celle du Natalis Invicti, c’est-à-dire « naissance d’Invictus ». Il est intéressant de remarquer que le calendrier « philocalien » comporte une autre référence (donc distincte) dans sa partie VIII pour le 25 décembre : « 8 jours avant les calendes de janvier [XXV mois de décembre] Naissance du Christ à Bethléhem de Judée ». On peut en déduire qu’en 354, le festival du Sol Invictus et la fête de la Nativité du Christ étaient célébrés comme deux fêtes distinctes. En 425, le Code de Théodose va indiquer de manière officielle ce qui est permis ou pas, le jour de la commémoration de la naissance du Christ. Le 25 décembre deviendra un jour chômé en 529 sous le règne de l’empereur Justinien.
  • Le festival romain des Saturnales, tenu en l’honneur du dieu Saturne, se déroulait du 17 au 24 décembre. Pendant sept jours, famille et amis se retrouvaient pour s’offrir entre autres des cadeaux.

À partir du 18e siècle, la croyance que le christianisme aurait simplement incorporé les célébrations du festival du « Soleil invaincu » dans celles de Noël est devenue populaire et s’est imposée dans les esprits. Plusieurs arguments ont été proposés afin d’étayer cette accusation de syncrétisme à l’encontre de la religion chrétienne, notamment le fait que le premier avènement du Christ était considéré comme le lever du « Soleil de la justice » par l’Église.

« Car voici, le jour vient, ardent comme une fournaise. Tous les hautains et tous les méchants seront comme du chaume; le jour qui vient les embrasera, dit l’Éternel des armées, Il ne leur laissera ni racine ni rameau. Mais pour vous qui craignez mon nom, se lèvera le soleil de la justice, et la guérison sera sous ses ailes; vous sortirez, et vous sauterez comme les veaux d’une étable, et vous foulerez les méchants, car ils seront comme de la cendre sous la plante de vos pieds, au jour que je prépare, dit l’Éternel des armées. » (Malachie 4 :1-3)

« Et toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut; car tu marcheras devant la face du Seigneur, pour préparer ses voies, afin de donner à son peuple la connaissance du salut par le pardon de ses péchés, grâce aux entrailles de la miséricorde de notre Dieu, en vertu de laquelle le soleil levant nous a visités d’en haut, pour éclairer ceux qui sont assis dans les ténèbres et dans l’ombre de la mort, pour diriger nos pas dans le chemin de la paix. » (Luc 1 :76-79)

Le Christ serait donc ce « Soleil invaincu » fêté le 25 décembre puisqu’IL est la lumière qui extirpe l’humanité des ténèbres dans lesquelles elle est plongée. Mais d’où provient cette idée que la fête de Noël aurait tout simplement été inventée afin de remplacer le festival du « Soleil invaincu » ?

Tout a commencé avec la publication au 18e siècle de la traduction en latin d’un manuscrit, rédigé en syriaque par Dionysius (Jacob) Bar Salibi au 12e siècle. L’édition comportait une note griffonnée dans les marges par un inconnu du 12e siècle, seulement identifié par le nom (il ne s’agirait pas d’Éphrem le Syriaque) ou l’adjectif latin « Syrus ». Voici ce que disait l’annotation :

« Les païens avaient l’habitude de célébrer le 25 décembre l’anniversaire du soleil, à l’occasion duquel ils allumaient des lumières en guise de fête Ainsi, lorsque les autorités ecclésiastiques se rendirent compte que les chrétiens avaient un penchant pour cette fête, elles tinrent conseil et décidèrent que la véritable Nativité devait être célébrée ce jour-là. »

À première vue, il semblerait que la date du 25 décembre ait été choisie par les autorités de l’Église afin de lutter contre l’attrait des chrétiens pour le festival du « Soleil invaincu ». Or, l’annotation ne fait pas référence aux origines de la fête de Noël, mais plutôt à la raison du changement de la date de la célébration de la Nativité du Seigneur. Comme je l’ai mentionné plus haut, Épiphane de Salamine avait retenu au 4e siècle la date du 6 janvier pour commémorer la naissance du Christ. Cet évènement était donc déjà célébré bien avant qu’il ne le soit plus tard, le 25 décembre. Ainsi, selon certains auteurs, le fameux « Syrus » essayait juste au 12e siècle d’expliquer ou de comprendre pourquoi les Églises d’Occident ont modifié la date de la célébration de la Nativité du Seigneur, du 6 janvier au 25 décembre, et non de fournir les origines de cette fête.

 

L’Abbé Jean Muret, un prêtre provençal de passage à Madrid , écrit en 1666: « Noël est la fête la plus scandaleuse de toute l’année. Elle ne sert qu’aux rendez-vous, à une ivresse presque générale et à des comédies dont on choisit l’autel pour théâtre et dont les religieux sont eux-mêmes les acteurs. » (Source : Alain Cabantous et François Walter, « Noël, une si longue histoire », Éditions Payot, 2016). Quelques décennies auparavant, les puritains font campagne en Angleterre pour que les célébrations entourant la fête de Noël soient interdites, tant ils étaient révoltés par les excès qui prenaient place. D’ailleurs, de 1659 à 1681, l’État du Massachusetts aux États-Unis bannit les célébrations de Noël. On voit bien qu’il n’y a malheureusement rien d’inédit au fait que Noël soit désormais une fête populaire déconnectée de son fondement religieux. Est-ce pour autant une raison de ne pas souligner la Nativité du Seigneur ?

Hormis l’argument de la date du 25 décembre qui n’est pas mentionnée dans la Bible, certains chrétiens ne célèbrent pas Noël, car Yeshua n’aurait jamais dit de célébrer une telle fête, mais a plutôt mis en garde contre les traditions des hommes (Marc 7 :6-8). Par ailleurs, s’appuyant sur la croyance populaire que Noël ne serait rien d’autre que le déguisement d’anciennes fêtes païennes, ils font référence à Deutéronome 12 :28-32 pour affermir leur position. Ont-ils raison ou tort ?

Les évangiles de Matthieu et Luc commencent en nous rappelant que les prophéties d’Ésaïe se sont accomplies :

« C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe, voici, la jeune fille deviendra enceinte, elle enfantera un fils, et elle lui donnera le nom d’Emmanuel. » (Ésaïe 7 :14)

« Car un enfant nous est né, un fils nous est donné, et la domination reposera sur son épaule; on l’appellera Admirable, Conseiller, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la paix. » (Ésaïe 9 :6)

Le Messie, promis d’abord aux Juifs (Matthieu 15 :24) puis aux nations de la terre (Ésaïe 42 :1-6), est déjà venu une première fois; est-ce que ça ne mériterait pas d’être souligné ? Quoiqu’il en soit, certains croyants vivant dans des régions où la persécution contre les chrétiens n’est pas reléguée au 1er siècle, risquent leurs vies pour assister aux célébrations religieuses de Noël, tandis que d’autres n’ont même pas l’occasion de se réjouir publiquement en cette occasion. Voici quelques témoignages à cet effet :

Manga est un chrétien nigérian. En 2012, son père a été tué par des membres de Boko Haram, qui ont essayé de l’égorger ainsi que son frère. Manga a gardé une large cicatrice autour du cou, tandis que sa foi en Yeshua s’est encore plus enracinée. Il exprime ce que représente la fête de Noël pour le chrétien persécuté qu’il est.

Liberté de religion oblige, les chrétiens d’Occident courent très peu de risques lorsqu’ils décident de célébrer les fêtes associées à leurs convictions religieuses. Ailleurs, là où être chrétien expose au risque de persécution, souligner publiquement ou même en privé la Nativité du Seigneur prend une autre signification.

En conclusion: quelque soit votre avis sur Noël ou sur la nécessité de souligner la Nativité du Seigneur, lorsque vous l’exprimez, n’oubliez pas d’appliquer les principes de tolérance enseignés par Paul dans Romains 14 !

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L’opinion exprimée dans ce billet n’engage que son auteure

 

4 commentaires

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