Judaïsme messianique, quesaco? (2ème partie)

 

Si vous décidez de dénicher une congrégation messianique grâce à une recherche internet, je vous recommanderai de vous armer de beaucoup de patience, d’un peigne fin, d’une loupe et de votre Bible, bien entendu. Pourquoi un tel arsenal d’apprenti détective ? Afin d’être en mesure d’examiner les différents courants doctrinaux et professions de foi qui vous seront présentés sur bien de sites internet ! En effet, on ne devrait presque pas parler de « judaïsme messianique », mais plutôt des « judaïsmes messianiques », tant le spectre de ce mouvement semble large. Pour le juif (ou le non-juif) qui croirait être arrivé à « bon port » parce que le site d’une congrégation affiche les mots « judaïsme messianique », Yeshua ou le sceau messianique sur sa page d’accueil, ainsi que des versets du B’rit Chadashah (Nouveau Testament) mentionnés ici et là, il lui faudra creuser plus. Le but de cette publication n’est pas de prendre le lecteur par la main et de lui pointer du doigt le type d’assemblée vers laquelle il devrait se tourner. Cependant, il s’agit de l’aider à se rendre compte que l’esprit de séduction contre lequel le Seigneur nous avait mis en garde agit à pleine puissance en ces derniers temps.

« Il s’assit sur la montagne des oliviers. Et les disciples vinrent en particulier lui faire cette question : Dis-nous, quand cela arrivera-t-il, et quel sera le signe de ton avènement et de la fin du monde? Jésus leur répondit: Prenez garde que personne ne vous séduise. Car plusieurs viendront sous mon nom, disant: C’est moi qui suis le Christ. Et ils séduiront beaucoup de gens. » (Matthieu 24 :3-5 ; cf. Marc 13 :5)

« Plusieurs faux prophètes s’élèveront, et ils séduiront beaucoup de gens. » (Matthieu 24 :11)

« Si quelqu’un vous dit alors: Le Christ est ici, ou: Il est là, ne le croyez pas. Car il s’élèvera de faux Christs et de faux prophètes; ils feront de grands prodiges et des miracles, au point de séduire, s’il était possible, même les élus. Voici, je vous l’ai annoncé d’avance. » (Matthieu 24 :23-25 ; cf. aussi Marc 13 :23 ; Luc 17 :22)

Loups en vêtements de brebis (Matthieu 7 :15 ; Actes 20 :28-30), faux Christs, enseignants ou docteurs (2 Timothée 4 :3-4 ; 2 Pierre 2), prophètes (1 Jean 4 :1) qui attirent comme des aimants des personnes en quête sincère du « chemin, la vérité et la vie » (Jean 14 :6), ainsi que des croyants qui ont « la démangeaison d’entendre des choses agréables » (2 Timothée 4 :3), alors comment distinguer la « saine doctrine » (ibid) de celle qui en a l’apparence ? C’est la responsabilité du croyant en Yeshua d’être comme les juifs de Bérée et de toujours examiner à la lumière des Écritures, ce qu’il entend, voit ou lit.

« Aussitôt les frères firent partir de nuit Paul et Silas pour Bérée. Lorsqu’ils furent arrivés, ils entrèrent dans la synagogue des Juifs.  Ces Juifs avaient des sentiments plus nobles que ceux de Thessalonique; ils reçurent la parole avec beaucoup d’empressement, et ils examinaient chaque jour les Écritures, pour voir si ce qu’on leur disait était exact. » (Actes 17 :10-11)

Convictions religieuses communes à tous les groupes du mouvement juif messianique

 

« Car je n’ai point honte de l’Évangile: c’est une puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit, du Juif premièrement, puis du Grec, parce qu’en lui est révélée la justice de Dieu par la foi et pour la foi, selon qu’il est écrit: Le juste vivra par la foi. » (Romains 1 :16-17)

La majorité des juifs messianiques continue de suivre les commandements et traditions de la culture juive, tout en étant consciente que le salut ne s’obtient pas par l’observation de la Loi, mais par la foi à l’égard du sacrifice salvificateur de Yeshua HaMaschiach et en sa résurrection.

Les sources écrites fondamentales sont l’Ancien Testament (TaNaKh) constitué de 39 livres, ainsi que le Nouveau Testament (B’rit Chadasha) composé de 27 livres. Ces textes sont considérés comme étant infaillibles et inspirés de Dieu (Proverbes 30 :5-6 ; 2 Timothée 3 :16-17). Les juifs messianiques reconnaissent que les prophéties du TaNaKh sur le Messie ont été accomplies dans les récits sur la vie et le ministère de Yeshua que l’on trouve dans le B’rit Chadasha, rédigé d’ailleurs en grande partie par des juifs.

Quelques prophéties messianiques TaNaKh B’rit Chadasha
Le Messie sera de la tribu de Juda Genèse 49 :10 Matthieu 2 :6 ; Hébreux 7 :14
Le Messie sera un descendant du roi David Ésaïe 11 :1-2 ; Jérémie 23 :5-6 ; 1 Chroniques 17 :10-14 Matthieu 1 :6-17 ; Luc 1 :32 ; Actes 13 :23 ; Apocalypse 5 :5
Le Messie sera rempli du Saint-Esprit Ésaïe 11 :1-2 ; 42 :1-4 ; 61 :1-2 Matthieu 3 :16 ; Jean 1 :32-33
Le Messie sera le Fils de Dieu Psaumes 2 :7-12 ; Proverbes 30 :4 Matthieu 3 :17 ; Luc 1 :35 ; Jean 1 :14 ; 1 :30-34 ; Romains 8 :32 ; 1 Jean 5 :20 ;
Le Messie viendra une première fois sur terre, 483 ans après la promulgation du décret ordonnant la reconstruction de Jérusalem Daniel 9 :24-27 Jean 4 :25-26
Le Messie naîtra d’une vierge, dans la pauvreté et à Bethléem, cité de David Ésaïe 7 :14 ; 11 :1-2 ; Michée 5 :2 Matthieu 1 :23 ; 2 :1 ; Luc 2 :3-7 ; 2 :22-24
Le Messie habitera dans le Nord d’Israël Ésaïe 8 :23-9 :1 Matthieu 4 :12-16
Le Messie devra être précédé d’un messager Ésaïe 40 :3-5 ; Malachie 3 :1 Matthieu 3 :1-12 ; 11 :7-15 ; Marc 1 :1-8 ; Luc 3 :1-17 ; Jean 1 :19-30
Le Messie sera d’abord rejeté et seulement accepté par un petit reste Ésaïe 49 :1-3 ; 52 :13-53 :12 ; Zacharie 11 :1-17 ; 12 :10 ; Psaumes 22 ; 110 :1-7 ; 118 :22-24 Matthieu 21 :42; Marc 12 :10-11; Luc 20 :17-18; Actes 4 :9-12; Romains 11 :1-21 ; 1 Pierre 2 :4-8
Même sa mission aura d’abord l’apparence d’un échec, elle réussira Ésaïe 42 :1-4 Matthieu 11 :23 ; 12 :14-21 ; 13 :54-58 ; Marc 6 :1-6 ; 12 :10 ; Luc 10 :13-15 ; Jean 6 :60-69 ; 7 :1-5 ; Actes 4 :11
Le Messie sera vendu pour 30 pièces d’argent Zacharie 11 :12-13 Matthieu 26 :14-15 ; 27 :3-10 ; Actes 1 :18-19
Le Messie devra souffrir, subir un procès, être condamné à mort Ésaïe 50 :4-9 ; 52 :13-53 :12 ; Psaumes 22 ; 69 :22 Matthieu 26 :47-27 :31, 48 ; Luc 18 :31-33 ; 22 :47-23 :25 ; Jean 18-19 :16, 29
Le Messie devra être transpercé Zacharie 12 :10 ; 13 :7 ; Psaumes 22 Jean 19 :37 ; Apocalypse 1 :7
Le Messie n’aura pas les os brisés Exode 12 :46 ; Psaume 34 :21 Jean 19 :36
Le Messie sera enseveli dans le tombeau d’un homme riche Ésaïe 52 :13-53 :12 Matthieu 27 :57-60 ; Marc 15 :42-46 ; Luc 22 :53 ; Jean 19 :38-42
Le Messie ressuscitera Ésaïe 52 :13-53 :12 ; Psaumes 16; 22 ; Osée 6 :2 Matthieu 28 ; Marc 16 ; Luc 24 ; Jean 20 ; Actes 2 : 22-36 ; 13 :35-37
Le Messie instaurera une nouvelle alliance Jérémie 31 :31-34 Luc 22 :19-20 ; Hébreux 9 :15
Le Messie est Dieu Ésaïe 9 :6-7 ; 48 :16 ; Jérémie 23 :5-6 ; Michée 5 :3 ; Zacharie 12 :10 ; 13 :7 ; Psaumes 80 :17 ; 110 :1-7 ; 1 Chroniques 17 :10-14 Luc 2 :11 ; Jean 1 :1-2 ; Colossiens 1 :15-20 ; 1 Jean 5 :20 ; Apocalypse 19 :16

Il existe des traductions messianiques de la Bible en anglais, telles que la « Tree of Life Version » (TLV) et la « Complete Jewish Bible » (CJB). L’objet de ces traductions messianiques est de resituer les saintes Écritures dans leur contexte culturel et historique juif. Dans ces versions, les livres de l’Ancien Testament sont présentés selon l’ordre de la Bible hébraïque et qui est distinct de celui de la Septante.

Ex : Le livre de Daniel ne fait pas partie des Prophètes (Nevi’im) mais plutôt des Écrits historiques (Ketuvim) ; le TaNaKh ne s’achève pas avec le livre de Malachie mais avec le deuxième livre des Chroniques (des rois de Juda).

Ex : Dans la TLV, le mot « Torah » n’est utilisé que pour désigner le Pentateuque. En effet, selon le comité de rédaction, les auteurs du Nouveau Testament font référence à différents types de lois, par exemple les lois orales qui sont distinctes des lois écrites, une distinction qui n’est pas évidente dans les manuscrits grecs du Nouveau Testament qui font seulement référence au mot « Loi » sans plus de précisions.

Afin de rappeler les origines et l’essence juives des écrits bibliques et de souligner qu’un juif qui lit le Nouveau Testament, ne feuillette pas un livre non juif, ce sont les prénoms juifs de certains personnages historiques qui sont utilisés.

Ex : Yeshua au lieu Jésus, Miriam au lieu de Marie ; Ruach HaKodesh au lieu d’Esprit Saint ; Ruach Elohim au lieu d’Esprit de Dieu ; Ben-Elohim au lieu de Fils de Dieu ; Sha’ul au lieu de Saul.

Ex : « The book of the genealogy of Yeshua ha-Mashiach, Ben-David, Ben-Avraham » (Matthew 1; TLV) au lieu de « Généalogie de Jésus-Christ, fils de David, fils d’Abraham » (Matthieu 1).

 

A. Quelques croyances fondamentales communes

Les juifs messianiques qui s’inscrivent dans la pensée des membres de la Voie au premier siècle de notre ère, croient que :

  • Yeshua est le Messie promis au peuple juif (Genèse 3 :15 ; Matthieu 15 :24). En tant qu’Oint, IL est à la fois le grand-prêtre qui intercède (Hébreux 5 :5-6 ; 9 :11-12), le roi issu de la lignée davidique (Psaume 2 :2-9 ; Matthieu 21 :5 ; Luc 1 :32 ; Jean 18 :33-37) et a été un prophète annonçant la Parole de Dieu (Luc 13 :33 ; 24 :19 ; Jean 3 :34 ; Actes 10 :38). IL est né d’une vierge comme cela avait été annoncé (Ésaïe 7 :14), IL est mort pour le pardon des péchés et le salut du monde, il a été enseveli, est ressuscité puis est monté au ciel auprès du Père (1 Corinthiens 15 :1-11 ; 2 Timothée 1 :9-10). IL est le médiateur de la Nouvelle Alliance qui repose sur son sacrifice parfait et qu’IL a scellée de son sang (Luc 22 :20 ; Hébreux 8 :6-13 ; 9 :15-28). IL reviendra pour régner sur toutes les nations de la terre (Ésaïe 59 :20-21 ; Zacharie 14 :4 ; Apocalypse 1 :7; 19:11-21) ;
  • la Loi a été confirmée, accomplie et non abolie par Yeshua (Matthieu 5 :17);
  • le plan de l’Éternel pour le peuple d’Israël est toujours d’actualité et l’Église n’a jamais remplacé les descendants d’Abraham, Isaac et Jacob dans ce plan (Romains 9-11) ;
  • l’Alliance avec le peuple d’Israël, qui s’est matérialisée par la remise des Tables de la Loi à Moïse au Sinaï (Exode 24 :4-8 ; Lévitique 18 :5 ; Galates 3 :19-25), n’a pas rendu caduques les dispositions de l’Alliance abrahamique (Genèse 12 :1-3 ;15 ; 17 ; Galates 3 :15-18) ;
  • l’Éternel n’a jamais rejeté Israël à jamais. De tout temps, au cours de l’histoire de ce peuple, il a toujours existé un reste, un petit nombre de croyants qui sont restés fidèles à la Parole de Dieu (Ésaïe 1 :9 ; 65 :8 ; Romains 11 :1-7 ) ;
  • la restauration et la consolidation de l’État d’Israël, qui ont débuté en 1948, sont un prérequis au retour du Messie (Ezéchiel 34:11-31;36-39: Osée 3; Amos 9:11-15; Zacharie 12-14; Ésaïe 11, 43, 54, 60-62, 66; Romains 11:1-34) ;
  • l’Église est constituée des juifs et des non-juifs (Éphésiens 2 :11-21).

 

Uploaded imageLa mission première des assemblées messianiques étant la diffusion de la Besorah (Bonne Nouvelle) auprès des juifs, tout groupe se réclamant de ce mouvement et qui affirme qu’il ne croit pas en l’évangélisation des juifs, n’en fait tout simplement pas partie (Matthieu 10 :5-6).

 

B. Un retour sémantique aux racines juives de la foi chrétienne

Yeshua HaMashiach (Jésus-Christ)

 

Même si le Nouveau Testament a été rédigé en grec, il est important de lire, de comprendre et d’interpréter son contenu à travers le prisme de la culture juive. Les juifs messianiques vivent et expriment leur foi en Yeshua, en utilisant les noms ou mots employés par les premiers disciples du Messie, afin de rappeler et souligner que leur foi en Lui n’est pas de l’assimilation ou quelque chose d’anormal, comme le pensent d’ailleurs beaucoup de croyants non-juifs. Les expressions hébraïques permettent aussi d’épurer le message du Nouveau Testament de toute la couche d’antisémitisme qui l’a contaminé, au fil des siècles.

Termes utilisés couramment par les croyants non-juifs Termes préférés par les juifs messianiques Explication
Jésus Yeshua Yeshua est un prénom hébreu signifiant «l’Éternel sauve, l’Éternel délivre » (Matthieu 1 :21 ; Psaume 130 :8). Ce prénom a été translittéré par « Iesous » en grec, qui a été traduit par « Jésus » en français. Étant donné que des millions de juifs ont été persécutés dans l’histoire au nom de « Jésus », ce prénom évoque plutôt l’antisémitisme à beaucoup de juifs. Hormis le fait que Yeshua (et non Iesous), était probablement le nom utilisé par les juifs, le remploi de ce prénom juif rappelle que le Messie n’est pas issu des peuples non-juifs.
Christ HaMaschiach (Messie) Le mot « Christ » vient du grec Christos, qui est la translittération du titre hébreu « l’Oint » donné au Messie (Daniel 9 :25 ; Jean 1 :41). Le fait d’employer le terme hébreu permet de faire remarquer que le Messie n’appartient pas uniquement aux non-juifs, mais aussi aux juifs. Par ailleurs, étant donné les siècles de persécutions de l’Église contre les juifs, le mot « Christ » ravive des souvenirs douloureux parmi les juifs.
Chrétien Croyant Une fois de plus, on ne peut faire fi de l’histoire et il est important de voir certaines choses du point de vue du peuple juif. Le mot « chrétien » évoque encore l’antisémitisme chez certains juifs, tandis que pour d’autres, le juif chrétien n’est plus juif. Par ailleurs, le terme « croyant » met l’emphase sur la foi, la conviction intime d’un individu par rapport à Yeshua plutôt que l’adhésion à une religion.
Église Congrégation (Kehilah) Les lieux de culte juifs messianiques ne s’appellent pas des « églises », mot qui vient du grec ekklêsia, signifiant « assemblée ». Une fois de plus, l’histoire est à blâmer pour ce choix sémantique, même si les traducteurs de la Septante avaient utilisé  ekklêsia, pour identifier « l’édifice religieux où les Juifs se réunissaient le Sabbat et les jours de fête, pour prier et pour entendre lecture et explication des livres de l’Ancient Testament. » (source : « Dictionnaire biblique et théologique », La Bible, Segond 21). Certaines assemblées messianiques désignent leurs lieux de prières sous le vocable de « synagogue », terme que l’on retrouve à plusieurs reprises dans le Nouveau Testament. Le mot « synagogue », dont la racine vient du grec ancien sunagōgē (« assemblée »), désignait au départ une assemblée, puis a ensuite désigné le lieu de rassemblement d’un groupe de croyants.
Ancien Testament

Nouveau Testament

Ancienne Alliance (TaNaKh)

Nouvelle Alliance (B’rit Chadasha)

Le terme « Alliance » est préféré à celui de « Testament ». Les deux parties de la Bible, considérées comme s’inscrivant dans le même récit historique, spirituel et plan divin et sont appelées par leur vocable hébreu.
Baptême Immersion (T’villah) Le mot « baptême » vient du grec baptisma, qui signifie « immersion, bain ». Pour les juifs messianiques, il fait écho aux siècles de persécution et de conversion forcée de l’Église. Ils retournent donc d’un point de vue sémantique, aux racines juives de la pratiques en parlant d’ « immersion » (t’villah) qui est effectuée en trempant tout le corps du nouveau disciple dans un large plan d’eau appelé « mikveh ».
Croix Tav « Tav » représente la dernière lettre de l’alphabet hébreu. Dans l’alphabet paléo-hébraïque qui était en vigueur jusqu’au 1er siècle de notre ère, cette lettre s’écrivait ainsi :


On constate que la lettre ressemblait alors à une croix (cf. Ézéchiel 9 :4-6). Les juifs messianiques utilisent donc le terme hébreu « tav » pour désigner la croix.

Alpha et Omega Aleph et Tav Au lieu d’utiliser les premières et dernières lettres de l’alphabet grec pour désigner le Messie, ce sont leurs équivalents dans l’alphabet hébreu qui sont utilisés. On constate que le mot tav revêt donc une double signification, qui souligne son importance.
Paul Shau’l Afin probablement, entre autres, de rappeler que contrairement à Pierre, aucun autre nom n’a été donné à Paul, mais aussi qu’il ne s’est JAMAIS converti à une quelconque religion, l’Apôtre des nations non juives est appelé par son prénom hébreu Shau’l. Ceci permet entre autres de rappeler qu’il est né, a vécu et est mort en tant que juif.

 

Les divergences doctrinales les plus importantes

 

A. La Trinité

Selon la doctrine de la Trinité, l’Éternel est Père (Adonai/HaShem), Fils (HaMaschiach) et Esprit (Ruach HaKodesh) ; cf. Ésaïe 48 :16 ; Matthieu 3 :16-17 ; 28 :19 ; 2 Corinthiens 13 :14. IL est UN (echad) (Deutéronome 6 :4). Certains juifs messianiques ne voient donc aucune contradiction entre le Shema et la foi en la Trinité, tandis que d’autres ont plutôt une vision très restrictive du monothéisme et n’adhèrent pas au concept de Trinité. Pour les juifs messianiques sceptiques de la Trinité, Yeshua est le Messie promis au juif ; toutefois, à leurs yeux, il reste un être humain, certes conçu du Saint-Esprit, mais qui ne fait pas UN avec l’Éternel.

 

B. La Loi (Torah)

« Que ce livre de la loi ne s’éloigne point de ta bouche; médite-le jour et nuit, pour agir fidèlement selon tout ce qui y est écrit; car c’est alors que tu auras du succès dans tes entreprises, c’est alors que tu réussiras. » (Josué 1 :8)

Selon le « Dictionnaire biblique et théologique » de la version Segond 21 de la Bible, le mot Torah signifie au sens strict du terme et avant tout « enseignement » (doctrine, instruction révélée) en hébreu. Mais ce mot est plutôt connu comme désignant « la Loi de Moïse, c’est-à-dire l’ensemble de préceptes donnés aux Israélites » par l’Éternel et qui régissait « leur vie spirituelle, personnelle, familiale et sociale. » Il est important de rappeler que la Torah inclut les 10 commandements (Exode 20 :1-17). Par extension et à cause de la traduction du mot par nomos (normes, lois) dans la Septante, Torah ou « Loi de Moïse » va devenir l’appellation du Pentateuque. Dans le christianisme, le terme « Loi » va aussi représenter tout l’Ancien Testament, c’est-à-dire tout le TaNaKh (Jean 12 :34 ; 1 Corinthiens 14 :21). Étant donné toutes ces différentes acceptions du mot « Loi », il est donc très important pour tout disciple de Yeshua de savoir à quoi font exactement référence les passages du Nouveau Testament qui emploient ce terme, avant d’être sur la défensive chaque fois qu’il entend ce mot et de s’écrier immédiatement: « Nous ne sommes plus sous la Loi. »

1. Pour ou contre le strict respect de la Loi de Moïse ?

Au sein du judaïsme messianique, il existe plusieurs points de vue quant à la validité et à l’application de la Loi aux croyants en Yeshua, juifs et non-juifs. Certains affirment que Jésus ayant accompli la Loi, IL l’aurait rendue complètement obsolète à l’exception des 10 commandements. Ils se basent sur les passages suivants pour soutenir leur position : Matthieu 5 :17 ; Romains 10 :4 ; Hébreux 8 :13. Une position similaire invoque la Nouvelle Alliance mentionnée dans Jérémie 31 :31-32, ainsi que l’absence actuelle de Temple pour accomplir les sacrifices rituels, pour affirmer qu’Hébreux 8 :13 indiquerait que la Loi serait devenue obsolète, en raison de la mort et de la résurrection du Messie.

D’autres voient en la Loi une gardienne de la judéité. Par exemple, suivre les prescriptions rituelles au sujet des aliments de la Loi (kashrut) sans y attacher une quelconque signification religieuse (Matthieu 15 :17), peut être, pour un croyant, une manière de préserver et d’affirmer son identité juive.

D’autres encore, la majorité des juifs messianiques, estiment que Yeshua n’a pas aboli TOUTES les dispositions de la Loi et des prophètes, mais que celles-ci ont été précisées ou recontextualisées à la lumière des enseignements du Messie (Matthieu 5 :20-47).

Enfin, un quatrième groupe estime que tous les croyants juifs en Yeshua devraient appliquer à la lettre toutes les prescriptions du judaïsme rabbinique en se fondant, entre autres, sur Actes 15 :21 (le nom « Moïse » dans ce verset fait référence à l’époque du 2nd Temple, à la Parashah c’est-à-dire la portion hebdomadaire de la Torah lue dans les synagogues) et Actes 21 :17-36.

NB: Il est important de rappeler que même s’il a vécu en tant que juif pratiquant des prescriptions bibliques (et non rabbiniques) de la Loi, Paul a insisté sur le fait que l’application à la lettre de celle-ci n’était pas une condition du salut éternel (Romains 3 :19-30).

2. La doctrine d’« Une seule Loi pour tous » (One law theology)

S’appuyant sur les conclusions du premier Concile de Jérusalem en l’an 48 (Actes 15), la plupart des congrégations messianiques sont d’avis que les dispositions de la Loi ne s’appliquent pas de la même façon aux juifs et aux non-juifs. Pourtant, les partisans de la doctrine de la One law (une seule Loi) prétendent le contraire et affirment que les juifs et non-juifs seraient assujettis à la Loi de la même façon, d’après Exode 12 :49 et surtout Nombres 15 :15-16.

« Il y aura une seule loi pour l’Israélite et pour l’étranger (ger) en séjour parmi vous. » (Exode 12 :49 ; Segond 21)

« Il y aura une seule loi pour toute l’assemblée, pour vous et pour l’étranger (ger) en séjour au milieu de vous; ce sera une loi perpétuelle parmi vos descendants : il en sera de l’étranger (ger) comme de vous, devant l’Éternel. Il y aura une seule loi et une seule ordonnance pour vous et pour l’étranger (ger) en séjour parmi vous. (Nombres 15 :15-16)

Ces tentatives d’adhésion ferme à la Loi ne se font pas uniquement en relation avec les interprétations du judaïsme rabbinique. Elles prétendent être aussi un reflet du judaïsme biblique, celui décrit dans les Écritures. Le raisonnement appliqué par les partisans de la doctrine est le suivant : si la Loi est obligatoire pour Israël et que les non-juifs sont greffés à Israël, alors l’entièreté de la Loi (sabbat, convocations annuelles d’Israël, restrictions alimentaires, etc.) est aussi applicable aux croyants non-juifs comme elle l’est pour ceux qui sont juifs. Or, à l’époque de l’Ancien Testament, le ger qui séjourne au milieu d’Israël, représente une personne qui s’est détournée de l’idolâtrie et obéit aux sept lois noahides. À l’époque du 2nd Temple, le mot ger désigne désormais un prosélyte, c’est-à-dire un non-juif qui a accompli toutes les étapes de conversion requises par le judaïsme tannaïtique : circoncision, immersion et sacrifice. Par ailleurs, si l’on tient compte du contexte littéral des versets cités, on constate que l’un parle des exigences à respecter pour le ger souhaitant célébrer la Pâque juive, tandis que l’autre est relatif aux règles sur les sacrifices.

La doctrine d’ « une seule Loi  » est rejetée par l’Alliance Internationale des Congrégations et Synagogues Messianiques, AICSM (acronyme anglais : IAMCS) et l’Union des Congrégations Juives Messianiques, UCJM (acronyme anglais : UMJC).

ATTENTION: il ne faut pas confondre les juifs messianiques adeptes de la doctrine de d’ « Une seule Loi pour tous » avec les partisans du Mouvement du retour aux racines hébraïques de la foi chrétienne (Hebrew Roots Movement). Les premiers sont juifs tandis que les seconds sont des non-juifs qui s’inscrivent en opposition aux décisions prises dans le chapitre 15 du livre des Actes.

3. La doctrine des « Deux Maisons » ou « Une seule Loi, Deux bâtons »

Ce courant de pensée est promu par le Mouvement éphraïmite, de quoi s’agit-il ? Selon eux, les chrétiens « nés de nouveau » seraient des descendants des 10 tribus perdues d’Israël (Genèse 48 :19), Éphraïm étant le nom utilisé parfois pour désigner l’ex-royaume du nord d’Israël et dont les habitants ont été emmenés en captivité par les Assyriens en 772 AV JC. En un mot, les croyants non juifs seraient des Israélites.  C’est donc pour ça que les adeptes de la doctrine des « Deux Maisons » pensent que la prophétie d’Ézéchiel 37 :15-23 s’adresserait à eux. Puisque Jérémie 31 :31 parle d’une nouvelle alliance et que nous sommes à la fin des temps, selon ces « éphraïmites » des temps modernes, la Maison de Juda, c’est-à-dire les juifs messianiques, sera de nouveau réunie avec la Maison d’Israël, c’est-à-dire les croyants non juifs, dans le cadre de cette nouvelle alliance. Pourtant, voici ce que dit Ézéchiel 37 :21 :

« Et tu leur diras: Ainsi parle le Seigneur, l’Éternel: Voici, je prendrai les enfants d’Israël du milieu des nations où ils sont allés, je les rassemblerai de toutes parts, et je les ramènerai dans leur pays. »

Il est donc évident que les nations non juives, du milieu desquelles les enfants d’Israël seront rassemblées, ne peuvent pas en même temps représenter les 10 tribus perdues.

Une chose très importante à noter afin d’identifier aisément les partisans de cette idéologie est qu’ils font la promotion de l’usage ce qu’ils appellent le « nom sacré » (sacred name). Sur la base d’une extrapolation de Proverbes 30 :4, ils affirment que le nom hébreu du Messie serait Yahshua et utilisent Yahweh pour parler de l’Éternel. Ils tiennent mordicus à l’utilisation de ces 2 graphies. Ainsi, selon eux, utiliser « Jésus » ou tout autre nom serait blasphématoire et une preuve de paganisme.

Bien évidemment, le point de vue du Mouvement éphraïmite est rejeté catégoriquement par la grande majorité des congrégations messianiques, notamment celles qui sont affiliées à l’AICSM et l’ UCJM.

4. Une SEULE Foi, des expressions distinctes de celle-ci

C’est la doctrine de la plupart des congrégations messianiques, notamment celles de l’AICSM de l’UCJM. Elle affirme que l’Église est composée de deux groupes de croyants : les juifs et les non juifs, UN en Yeshua (Éphésiens 2 :11-18). Selon cette idéologie, le judaïsme messianique et le christianisme représentent deux expressions culturelles distinctes d’une seule foi. Tandis que les juifs messianiques observent le sabbat le samedi, célèbrent les Fêtes d’Israël, y compris Pesach (la Pâque) (Lévitique 23) et mangent kosher, les croyants non juifs peuvent aller à l’église le dimanche, fêter Noël et Pâques. Par conséquent, seuls les juifs messianiques sont obligés de suivre la Loi tandis que les croyants non-juifs ne le sont pas.

5. Talmud, Targums et loi orale :

Certaines dénominations juives messianiques préfèrent mettre l’accent sur les préceptes du judaïsme rabbinique, considérant le judaïsme messianique comme un courant de celui-ci. Le danger pour ces assemblées, qui ont à cœur d’insister sur leur identité juive, est de se retrouver à vivre leur foi en Yeshua essentiellement selon les préceptes du Talmud, qui se retrouve parfois à usurper la place de parole inspirée de l’Éternel qui est celle du TaNaKh.

Le Talmud (« instruction ») est le nom du recueil qui fait autorité au sein du judaïsme rabbinique, à côté du TaNaKh. Il est compris de la Mishnah (« répétition »), qui est la codification et transposition de la loi orale telle qu’expliquée au fil du temps par des docteurs de la Loi, ainsi que de la Gemarah (« complément ») qui sont des commentaires rabbiniques de la Mishnah. La Mishnah contient les traditions des Tannaim (« ceux qui enseignent »), des sages ayant vécu entre 300 AV JC et 200 AP JC. Le Talmud existe en deux versions, palestinienne et babylonienne, avec des Mishnah similaires mais des Gemarah différentes.

Certaines assemblées n’adhèrent absolument pas au Talmud tandis que d’autres s’en inspirent, de façon sélective, afin de mieux :

  • expliquer le contexte culturel, de corroborer de manière historique certains faits relatés dans le Nouveau Testament. Ex: identification du jour exact de la crucifixion de Yeshua ;
  • saisir l’aspect spirituel des célébrations de certaines fêtes religieuses relatées dans le texte grec du Nouveau Testament. Ex : les événements de Jean 7 à 9 ont lieu pendant la fête de Sukkot (Fêtes des tabernacles, Lévitique 23 :33-43). Le Talmud explique qu’à l’époque du 2nd Temple, il y avait une cérémonie des lumières avec d’énormes ménorah (chandeliers) dont la lumière pouvait être vue des kilomètres à la ronde afin de symboliser la Jérusalem de l’ère messianique et Yeshua annonce, en Jean 8 :12, qu’IL est « la lumière du monde ». Une autre cérémonie avait lieu où de l’eau était puisée à la piscine de Siloé puis transportée jusqu’au Temple afin de la renverser, dans le but d’évoquer le torrent sortant du Temple (du Millénium) d’Ézéchiel 47. Or, Yeshua révèle alors que « Celui qui croit en [Lui], des fleuves d’eau vive couleront de son sein, comme dit l’Écriture » (Jean 7 :38 ; cf. Ézéchiel 47 :1, 9).
  • démontrer que certains commentateurs rabbiniques étaient parvenus à certaines conclusions quant à l’identité du Messie et qui sont reprises par les juifs messianiques. Ex: l’ange de l’Éternel est l’Éternel qui est le Messie).

ANECDOTE : Gamaliel, l’un des auteurs du Talmud et petit-fils de Hillel qui est l’un des rabbins dont les enseignements sont repris dans le Talmud, est cité dans le Nouveau Testament (Actes 5 :34; il fût aussi l’un des rabbins ayant instruit Paul (Actes 22 :3).

Dans certaines assemblées messianiques, le Targum, un ouvrage paraphrasant le TaNaKh en araméen, peut aussi se révéler un outil utile d’interprétation du Nouveau Testament, une fois de plus afin de recontextualiser les faits narrés sur le plan culturel.

 

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Le prochain article de cette série sur le judaïsme messianique abordera l’appartenance supposée de Yeshua au parti des Pharisiens ainsi que la perception négative des enseignements de l’Apôtre Paul par certains juifs messianiques; il s’achèvera avec une courte description des divergences doctrinales sur le plan eschatologique et charismatique. Le 4e article portera sur les principaux rites et pratiques qu’on retrouve dans l’ensemble du Mouvement juif messianique, ainsi que les différentes formes d’assemblées que peuvent revêtir les congrégations messianiques.

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L’opinion exprimée dans ce billet n’engage que son auteure

7 commentaires

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