Joyeuse Épiphanie, Théophanie ou Fête des Rois Mages à ceux qui la célèbrent! Avec les mesures sanitaires en place, peut-être que vous avez tiré les rois sur Zoom et tutti quanti? Quoiqu’il en soit, vous êtes-vous déjà demandé quelle est la part d’exactitude dans les célébrations et représentations qui entourent le récit de Matthieu 2:1-12? J’avoue que je n’ai jamais vraiment cherché à savoir comment on était certain du nombre exact des rois mages, de leurs prénoms, de leurs origines. À vrai dire, tant que je pouvais savourer ma galette de rois et trouver la fève, j’étais heureuse.

Dans son ouvrage, « Messianic Christology », Arnold Fruchtenbaum aborde certains mythes et idées préconçues que nous avons sur la visite des rois mages au Messie. J’ai trouvé ça très intéressant alors j’ai décidé de vous faire un résumé de son commentaire.

Les rois mages n’ont pas visité l’Enfant Jésus (Matthieu 2:1-12) en même temps que les bergers (Luc 2:8-20)

Bien que les représentations de la Nativité que nous voyons aux pieds des sapins de Noël montrent des bergers et des rois mages rassemblés autour de Joseph, Marie et Jésus, Fruchtenbaum soutient qu’il a dû s’écouler au moins deux ans entre le récit des bergers et la visite des mages. En effet, alors que les bergers ont visité Jésus dès sa naissance (Luc 2:15-16), les mages ont aperçu l’étoile seulement après la naissance de Jésus (Matthieu 2:2). Tandis que les bergers se trouvaient à quelques lieux de Bethléem, les mages sont venus de beaucoup plus loin. Résultat des courses: les bergers et les rois mages ne se seraient jamais (logiquement) croisés … Selon Fruchtenbaum, une lecture attentive de l’Évangile de Matthieu montre clairement que Jésus devait être âgé d’environ 2 ans au moment de la visite des mages:

« Alors Hérode fit appeler en secret les mages, et s’enquit soigneusement auprès d’eux depuis combien de temps l’étoile brillait. […] Alors Hérode, voyant qu’il avait été joué par les mages, se mit dans une grande colère, et il envoya tuer tous les enfants de deux ans et au-dessous qui étaient à Bethléem et dans tout son territoire, selon la date dont il s’était soigneusement enquis auprès des mages. » (Matthieu 2:7, 16)

Par ailleurs, tandis que l’ange a dit aux bergers qu’ils trouveraient le Messie dans une crèche (Luc 2:12) et c’est là qu’ils L’ont trouvé (Luc 2:16), les mages L’ont rencontré dans une maison (Matthieu 2:11).

Quel était le nombre exact des rois mages?

Hormis le fait que l’on parle d’eux au pluriel, absolument rien dans les Évangiles ne nous indique avec certitude qu’ils étaient au nombre de 3.  D’après Fruchtenbaum, c’est le type de présents offerts (or, encens et myrrhe), qui a donné l’impression que ce sont 3 mages qui ont rendu visite au Messie, alors qu’il aurait pu s’agir en réalité d’un cortège. Par ailleurs, ces hommes qui venaient de Mésopotamie n’étaient pas des rois, mais probablement des astrologues. Vous souvenez-vous de l’apprentissage forcé de Daniel et ses amis à leur arrivée à Babylone? (Daniel 1). Les mages ou hommes sages des rois de Babylone étaient des astrologues, astronomes, devins et consort (Daniel 2:1-24).

L’étoile de Bethléem

Fruchtenbaum affirme que l’étoile vue par les mages depuis l’Orient (Matthieu 2:2), n’en était pas vraiment une, du moins une comme on l’entendrait normalement. Non seulement les mages l’ont spécifiquement désignée comme étant « l’étoile du Roi des Juifs », mais apparemment celle-ci apparaissait et disparaissait, tout en se déplaçant d’est en ouest et du nord au sud. Les écritures nous disent ensuite qu’elle s’est immobilisée précisément au-dessus d’un endroit, ce qui du point de vue astronomique, serait impossible.

« Après avoir entendu le roi, ils partirent. Et voici, l’étoile qu’ils avaient vue en Orient marchait devant eux jusqu’à ce qu’étant arrivée au-dessus du lieu où était le petit enfant, elle s’arrêta. » (Matthieu 2:9)

Selon Fruchtenbaum, cette étoile vue par les mages, n’était rien d’autre que le rayonnement de la présence de Dieu que l’on appelle dans le judaïsme rabbinique, la Shekhinah. Rappelez-vous les épisodes de la nuée et de la colonne de feu après la sortie d’Égypte!

« L’Éternel allait devant eux, le jour dans une colonne de nuée pour les guider dans leur chemin, et la nuit dans une colonne de feu pour les éclairer, afin qu’ils marchassent jour et nuit. La colonne de nuée ne se retirait point de devant le peuple pendant le jour ni la colonne de feu pendant la nuit. » (Exode 13:21-22)

Fruchtenbaum pense donc que c’est une expression très brillante de la Shekhinah que les mages ont confondue avec une étoile.

Comment les mages ont-ils su qu’il s’agissait du signe annonciateur de la naissance du Messie?

À la suite de l’analyse que je viens de résumer, Fruchtenbaum pose deux questions intéressantes:

• Comment les mages savaient que les Juifs attendaient le Messie, leur Roi et que celui-ci était né?
• Pourquoi ont-ils décidé de venir L’adorer?

Si le prophète Michée nous donne le lieu de naissance du Messie,

« Et toi, Bethléhem Ephrata, Petite entre les milliers de Juda, De toi sortira pour moi Celui qui dominera sur Israël, Et dont l’origine remonte aux temps anciens, Aux jours de l’éternité. » (Michée 5:2)

c’est dans les écrits historiques, dans le livre de Daniel que selon Fruchtenbaum, on retrouverait l’unique prophétie de l’Ancien Testament qui indique le moment de la (première) venue du Messie.

Dans Daniel 9, l’ange Gabriel lui dit:

« Soixante-dix semaines ont été fixées sur ton peuple et sur ta ville sainte, pour faire cesser les transgressions et mettre fin aux péchés, pour expier l’iniquité et amener la justice éternelle, pour sceller la vision et le prophète, et pour oindre le Saint des Saints. Sache-le donc, et comprends! Depuis le moment où la parole a annoncé que Jérusalem sera rebâtie jusqu’à l’Oint, au Conducteur, il y a sept semaines; dans soixante-deux semaines, les places et les fossés seront rétablis, mais en des temps fâcheux. Après les soixante-deux semaines, un Oint sera retranché, et il n’aura pas de successeur. Le peuple d’un chef qui viendra détruira la ville et le sanctuaire, et sa fin arrivera comme par une inondation; il est arrêté que les dévastations dureront jusqu’au terme de la guerre. Il fera une solide alliance avec plusieurs pour une semaine, et durant la moitié de la semaine il fera cesser le sacrifice et l’offrande; le dévastateur commettra les choses les plus abominables, jusqu’à ce que la ruine et ce qui a été résolu fondent sur le dévastateur. » (Daniel 9:24-27)

Les versets 24-25 du chapitre 9 du Livre de Daniel indiquent qu’un décret promulguera la reconstruction de Jérusalem (elle avait été détruite et pratiquement tout le peuple avait été déporté à Babylone, 2 Rois 25). Pour Fruchtenbaum, il s’agit de l’édit de Cyrus (et non d’Artaxerxes, cf. Néhémie 2:1-8 comme disent d’autres commentateurs bibliques) émis en 538-536 avant J-C. Les passages suivants font référence au décret de Cyrus:  (Ésaïe 44:28-45:1,13; 2 Chroniques 36:22-23; Esdras 1:1-4; 6:1-5, 6-12). Ce serait d’ailleurs au cours de l’année de la proclamation de l’édit que l’ange Gabriel aurait visité Daniel pour lui révéler la prophétie messianique. L’ange parle à plusieurs reprises de « semaine ». Il faut savoir, qu’à l’instar de la règle d’équivalence prophétique de Nombres 14:33-34; Ézéchiel 4:4-6, 1 semaine (shavuim dans le TaNaKh et non shavuot) équivant à 7 années dans les prophéties du livre de Daniel.

Ainsi, la période de 70 semaines de Daniel 9:24 correspond à 490 années dont le but serait, entre autres, de reconstruire Jérusalem et le Temple avant la première venue du Messie. Elle débuterait avec l’annonce du décret et on constate aux versets 25 et 26 qu’elle est morcelée en 3:

• 7 semaines, soit 49 ans: à partir de la promulgation du décret, les murs et la ville de Jérusalem sont rebâtis (Daniel 9:25);
• 62 semaines, soit 434 ans: 434 ans s’écouleront après la reconstruction de Jérusalem JUSQU’À la naissance du Messie;
• 1 semaine, soit 7 ans

Ainsi, d’après Fruchtenbaum, le Messie serait né 483 ans (7 semaines + 62 semaines) après la promulgation de l’édit de Cyrus.

NB : Concernant la prophétie des 70 semaines de Daniel, il existe de nombreuses théories (et calculs) quant au point de départ de celle-ci et son lien avec la naissance, la mort ou l’entrée triomphale du Messie à Jérusalem (Matthieu 21 :1-9). Je vous laisse le soin d’approfondir votre curiosité sur la question.

Quel est donc le rapport entre la prophétie révélée à Daniel et les mages? Pour Fruchtenbaum, le livre de Daniel ayant été rédigé à Babylone, il est fort probable que les mages l’avaient lu. En outre, dans Nombres 24:17, le magicien Balaam, originaire de Péthor une ville mésopotamienne (Nombres 22:5; Deutéronome 23:4) avait annoncé une prophétie messianique qui faisait écho à celle de Jacob (Genèse 49 :10) :

« Balaam prononça son oracle, et dit: Parole de Balaam, fils de Beor, Parole de l’homme qui a l’oeil ouvert, Parole de celui qui entend les paroles de Dieu, De celui qui connaît les desseins du Très-Haut, De celui qui voit la vision du Tout-Puissant, De celui qui se prosterne et dont les yeux s’ouvrent. Je le vois, mais non maintenant, Je le contemple, mais non de près. Un astre sort de Jacob, Un sceptre s’élève d’Israël. Il perce les flancs de Moab, Et il abat tous les enfants de Seth. » (Nombres 24 :15-17)

L’astre et le sceptre mentionnés par Balaam font évidemment référence à un roi. Il est donc plausible que les mages aient été aussi au courant de cet oracle prononcé par un ancien devin émérite de leur contrée.

En conclusion, Fruchtenbaum fait part de sa conviction que ce n’est pas l’étude des étoiles, mais plutôt celle de la Parole de Dieu (à travers les mots de Daniel et de Balaam), qui a révélé aux mages ce qu’ils devaient savoir sur le Messie, le Roi des Juifs. Fruchtenbaum parle de révélation divine faite à ces non-juifs et je suis portée à la croire puisque c’est un ange du Dieu d’Israël qui a averti les mages (qui a priori n’adoraient pas l’Éternel), de ne pas retourner auprès d’Hérode (Matthieu 2 :12).

Je recommande le livre, « Messianic Christology« , à tous ceux et celles qui voudraient savoir où cette annonce royale, cette bonne nouvelle de la naissance du Messie (qui est d’ailleurs célébrée en ce 6 janvier par les Orthodoxes; le 7 janvier par les Orthodoxes éthiopiens), est prédite dans l’Ancien Testament.

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L’opinion exprimée dans ce billet n’engage que son auteure.