De Pessa’h (la Pâque juive) à PâqueS

 

 

En 2022, les hasards des cycles lunaires avaient bien fait les choses puisque le 16 Nisan, date à laquelle Yeshua HaMashiach a été ressuscité, correspondait exactement au jour de la célébration de la résurrection du Messie. Ainsi, tandis que les juifs fêtaient la fête des Prémices (Yom HaBikkurim; Lévitique 23 :9-14 ; Nombres 28 :26-31), en ce 16 Nisan 5782, la chrétienté (à l’exception des orthodoxes) célébrait le même jour, le 17 avril 2022, la fête de Pâques, soit trois jours après Pessa’h. Cette déclaration l’Apôtre des Nations prenait alors tout son sens :

« Mais maintenant, Christ est ressuscité des morts, il est les prémices de ceux qui sont morts. » (1 Corinthiens 15 :20)

En effet, les Évangiles nous disent que c’est le jour de la fête des Prémices que Yeshua est sorti du tombeau aux premières heures du 16 Nisan (Matthieu 28 :1-10 ; Marc 16 :2-8 ; Luc 24 :1-12 ; Jean 20 :1-18).

Mais pourquoi est-ce qu’en règle générale, le Vendredi saint, le jour qui commémore la crucifixion du Messie, ne coïncide jamais avec le jour de Pessah, c’est-à-dire le 14 Nisan ? En un mot : pourquoi le jour de Pâques n’est-il pas célébré en fonction du calendrier juif ? Après tout, notre « Pâques » avec un « s » à la fin, n’est rien d’autre que la traduction du mot hébreu « Pessa’h», qui a donné « Pascha » en latin, puis « Pâque » en français.

Il y a 2000 ans, il n’existait aucune distinction entre les religions juive et chrétienne. En fait, le christianisme n’existait pas et les adeptes de la Voie n’étaient que les membres d’une énième secte du judaïsme de l’époque. Les premières communautés de croyants, situées en dehors de Jérusalem (Antioche, Corinthe, Rome, Thessalonique, Alexandrie, etc.) comprenaient à la fois des juifs et des non-juifs. Toutefois, au fur et à mesure que le nombre de non-juifs augmentait au sein de l’Église, sont apparus les premiers points de désaccord au 2e siècle entre les deux groupes : fallait-il célébrer la mort du Messie ou Sa résurrection ?

D’un côté, il y avait en Asie Mineure (Turquie moderne) les quartodécimans ou quartodécimains (du latin,  quarta decima, quatorzième) : c’étaient ceux qui voulaient continuer à célébrer le dernier repas, la passion et la mort de Yeshua le 14 Nisan, le jour de Pessa’h, peu importe le jour de la semaine du calendrier romain auquel correspondrait la date. Ils achevaient le jeûne du carême le 14 Nisan à la neuvième heure (15 :00), heure à laquelle Yeshua a remis son âme entre les mains de Son père. Ensuite, ils commémoraient le dernier repas du Seigneur ainsi que Sa passion, estimant que le sacrifice pascal avait été accompli en Yeshua.

De l’autre côté se trouvaient ceux qui ne voulaient absolument pas que la date d’une grande fête chrétienne dépende des décisions des autorités religieuses juives. En effet, Pessa’h est une fête mobile en raison de l’utilisation d’un calendrier lunaire et ce sont les chefs religieux juifs qui décidaient de quand sera le 14 Nisan pour une année donnée. Et les Églises d’Occident, sous l’égide du pape Sixte Ier, avaient plutôt choisi de mettre l’accent sur la résurrection du Messie qui avait eu lieu, un jour connu à l’avance de tous, le dimanche, et qui devait être la journée de la fin du carême.

Pourtant, selon Eusèbe de Césarée, les apôtres Jean et Philippe, ainsi que le disciple de Jean, Polycarpe de Smyrne, étaient des quartodécimains. Mais ceci n’a pas empêché le pape Victor Ier de demander, sous peine d’excommunication, que les Églises d’Asie Mineure abandonnent la tradition orientale au profit de la pratique romaine de toujours célébrer Pâques le dimanche. Polycrate d’Éphèse lui aurait alors répondu dans une lettre au nom des évêques d’Asie Mineure (traduction libre en français) :

« Nous observons le jour exact, sans rien ajouter ni retrancher. Car en Asie aussi de grands astres se sont endormis… Parmi eux, Philippe, l’un des douze apôtres… et Jean, témoin et docteur, qui s’est allongé sur le sein du Seigneur… Tous ont observé le quatorzième jour de la Pâque selon l’Évangile, ne s’écartant en rien, mais suivant la règle de la foi… ».

En 325, se tient le concile œcuménique de Nicée qui va décider que la date de la célébration de la résurrection du Messie ne devra plus être dépendante du calendrier lunaire juif et que toute la chrétienté devra désormais commémorer l’évènement le même jour. En revanche, le concile n’a pas fourni de règles précises de computation de la date. Il a juste décidé que la date de la célébration de la résurrection du Messie aurait lieu le premier dimanche suivant la pleine lune qui suit l’équinoxe du printemps.

« Pâques est le dimanche qui suit le 14e jour de la Lune qui atteint cet âge le 21 mars ou immédiatement après. »

Au VIe siècle, le moine Denys le Petit élabore une méthode de computation plus claire. Après l’entrée en vigueur du calendrier grégorien, l’Église catholique romaine va modifier cette règle afin de l’adapter au nouveau calendrier; les Églises protestantes appliqueront par la suite et jusqu’à ce jour, cette règle de détermination ajustée. Quant aux Églises orthodoxes d’Orient, elles continuent à faire leur détermination à partir du calendrier julien. C’est la raison pour laquelle la date de la fête de PâqueS en Occident est différente de celle de la Pâque orthodoxe.

 

Djampa, Jérusalem – La « tombe du jardin » | Wikimedia Commons

Les fêtes les plus importantes du christianisme telles que Pâques et la Pentecôte puisent leurs origines dans les convocations annuelles fixées par l’Éternel au peuple d’Israël. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, par analogie avec Exode 12 :15,19, Paul exhorte les Corinthiens à honorer le sacrifice que le Messie a fait pour l’humanité, en se débarrassant du levain du péché (1 Corinthiens 5:7-8).

Yeshua, le Messie juif,

  • est mort le jour de Pessa’h ;
  • est ressuscité le jour de la fête des prémices, Ha Bikkurim ;
  • nous a envoyé le Ruach HaKodesh, le Paraclet, l’Esprit saint lors de la fête des Semaines,  Chavouot/Shavuot (Lévitique 23 :15-21).

Sa judéité est évidente dans tous ces évènements. Et pourtant, ce sont des motivations antisémites qui vont pousser certains membres de l’Église primitive à déclencher un processus de rupture avec les racines juives du corps du Messie. L’empereur Constantin avait en effet déclaré dans une lettre encyclique rédigée à la fin du Concile de Nicée, qui avait eu lieu sous son égide :

« Nous ne devons donc rien avoir en commun avec les Juifs, car le Seigneur nous a montré une autre voie. Nous désirons, chers Frères, nous séparer de la compagnie détestable des Juifs. Comment pourrions-nous suivre ces Juifs qui sont sans aucun doute aveuglés par l’erreur? Mais même si cela n’était pas le cas, ce serait encore notre devoir de ne pas salir notre âme en communiquant avec un peuple aussi méchant (les Juifs)… Il est de notre devoir de ne rien avoir en commun avec les meurtriers de notre Seigneur… de ne rien avoir en commun avec les Juifs.

Il a été décidé unanimement que la très sainte fête de Pâques sera partout célébrée un seul et même jour, et il ne semble pas qu’il puisse y avoir de division concernant une chose aussi sainte… Puisqu’il en est ainsi, acceptez joyeusement l’approbation divine. Ceci est véritablement un commandement divin : Que tout ce qui se passe dans les assemblées des évêques soit considéré comme procédant de la volonté de Dieu. Le pouvoir divin s’est servi de nous comme instrument pour détruire les mauvais desseins du diable.  »

 

Il n’est point ici; il est ressuscité, comme il l’avait dit. (Matthieu 28:6)

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L’opinion exprimée dans ce billet n’engage que son auteure.

 

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