Judaïsme messianique, quesaco ? (3ème partie)

 

Comme je l’ai indiqué auparavant, la diversité des positions doctrinales au sein du mouvement juif messianique, illustre bien ce dicton populaire : « 2 juifs, 3 opinions ». En effet, même la place de Yeshua et de Saul de Tarse, dans le contexte du judaïsme du Second Temple, fait encore débat.

La soi-disant affiliation de Yeshua au parti des pharisiens

Certains leaders de congrégations messianiques affirment que Yeshua faisait partie du parti des pharisiens, étant donné la similitude entre certains de Ses enseignements et les principes idéologiques clés de ce mouvement au moment du premier avènement du Messie.  Qui étaient donc les pharisiens ?

Environ quatre siècles avant la naissance de Yeshua, les Tannaïm (un groupe de sages du judaïsme rabbinique) avaient déjà commencé à extrapoler sur certains commandements de la Torah et à énoncer leurs propres règles de conduite, notamment en société. Cet ensemble de « lois orales » conçues par les hommes et dont l’origine ne peut pas être étayée dans les Écritures était appelé « la tradition des anciens » (Marc 7:3-5). Ces extrapolations rabbiniques, appelées halakha, (« marche, comportement ») encadraient la vie quotidienne et les pratiques religieuses des Juifs, en y incorporant un certain nombre de prohibitions. Les membres du parti des pharisiens, un regroupement créé probablement au 2e siècle A.V. J.C., prônaient une interprétation et application stricte de la Loi de Moïse ainsi que de la « Loi orale ».

Le parti des pharisiens représentait l’un des nombreux groupes extrémistes juifs de l’époque, de même que les sadducéens, les zélotes, les sicaires, les esséniens, etc.

« Ils savent depuis longtemps, s’ils veulent le déclarer, que j’ai vécu pharisien, selon la secte la plus rigide de notre religion. » (Actes 26:5)

Le mot « Pharisien » trouve son origine dans le terme araméen perishayya qui signifie « séparé, séparatiste. » La pureté rituelle ainsi que les traditions occupaient une place importante dans leur compréhension et pratique de la religion juive (Marc 7:1-13; Luc 6:6-11; Jean 18:28). Contrairement aux sadducéens, ils croyaient à la résurrection des morts, à l’existence des esprits et à la rétribution dans l’au-delà (Actes 23:6-9).

À l’époque de Yeshua, deux courants doctrinaux majoritaires se distinguent chez les pharisiens :

  • La position de la maison de Shammaï (Beit Shammai), qui représente les interprétations et enseignements du sage Shammaï. Shammaï préconisait une interprétation stricte et rigide de la loi dans presque tous les domaines. Ses disciples détestaient tout ce qui était romain, y compris les Juifs qui percevaient les impôts pour les autorités romaines, et étaient contre toute forme de fraternisation entre les Juifs et les non-Juifs.
  • La philosophie de la maison de Hillel (Beit Hillel) était plus souple. Contrairement à Shammaï dont il était un contemporain, le sage Hillel l’Ancien (Hillel HaZaken) était plus libéral dans son interprétation de la Torah, étant avant tout plus en faveur de la compréhension des principes. Il était aussi plus tolérant et accueillant envers les non-juifs que Shammaï.

Les maisons d’Hillel et de Shammaï sont à l’origine des scribes (ces docteurs, spécialistes de la Loi qui se chargeaient de la transmettre, de l’expliquer et de l’enseigner ; cf. Esdras 7:6, 10, 25) et des pharisiens.

La rivalité entre ces deux écoles de pensée a largement contribué, dans le judaïsme rabbinique, à renforcer la conviction selon laquelle la loi orale faisait autant autorité que la Torah. Après la destruction du Second Temple et vers la fin du 2e, début du 3e siècle A.P. J.C., ce sont les pharisiens de l’école de pensée d’Hillel, qui vont compiler la Mishnah (« répétition »), c’est-à-dire la partie du Talmud qui constitue la compilation écrite de la « Loi orale » et qui fait autant autorité que le TaNaKh dans le judaïsme rabbinique.

 

Dans le Nouveau Testament, il est maintes fois fait référence à certains membres du parti des pharisiens, notamment à l’hostilité de ces personnes vis-à-vis des enseignements de Yeshua. Et pourtant, certains pharisiens étaient des disciples de Yeshua donc des adeptes de la Voie (Jean 3:1, 19:39; Actes 15:5 ; Actes 23:6, 2:5) tandis que d’autres vont même prévenir Yeshua des tentatives de meurtre d’Hérode Antipater contre Lui (Luc 13:31). Est-ce la raison pour laquelle certains leaders de congrégations messianiques affirment que Yeshua était un pharisien ?

 

À première vue, il semble que Yeshua ait souvent endossé les points de vue du rabbin Hillel et que Ses critiques étaient plutôt adressées à la maison de Shammaï. Est-ce, cependant, suffisant pour dire conclure que Yeshua était un pharisien ?

  • La règle d’or

D’après le traité Shabbat 31a du Talmud de Babylone, un non-juif souhaitant se convertir à la religion du peuple juif, a dit à Shammaï : « Je suis prêt à me convertir au judaïsme, à condition que tu m’enseignes toute la Torah pendant que je me tiens sur une seule jambe. » Le rabbin le chassa en lui assénant des coups de règle. Le non-juif alla donc voir Hillel pour lui faire part de la même requête. Hillel lui répondit : « Ce qui est détestable à tes yeux, ne le fais pas à autrui. C’est là toute la Torah, le reste n’est que commentaire. Maintenant, va et étudie. »

Dans Matthieu 7:12, lors du Sermon sur la Montagne, on trouve cette instruction de Yeshua :

« Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux, car c’est la loi et les prophètes. » (Matthieu 7:12)

On remarque que Hillel et Yeshua expriment la même idée, mais de manière différente.

  • Le plus grand commandement (Matthieu 22:34-40) / la Parabole du Bon Samaritain (Luc 10:25-37)

« Les pharisiens, ayant appris qu’il avait réduit au silence les sadducéens, se rassemblèrent, et l’un d’eux, docteur de la loi, lui fit cette question, pour l’éprouver : Maître, quel est le plus grand commandement de la loi ? Jésus lui répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. C’est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes. » (Matthieu 22:34-40)

Il semble qu’à l’époque du Second Temple, « Quel est le plus grand commandement ? » était une question très répandue chez les Juifs. Lorsqu’elle était adressée à un rabbin, c’était dans le but de savoir comment celui-ci interprétait les Écritures (c’est-à-dire l’Ancien Testament à cette époque). En fait, la question voulait dire : « Parmi toutes les ordonnances de la Torah, laquelle at un poids si prépondérant que son observation suffit à accomplir in fine l’objectif de la Loi? ». Selon Shammaï, les deux plus grands commandements étaient l’obéissance au Shema et le respect du Sabbat. Quant à Hillel, il prétendait qu’il s’agissait du Shema et du « fait d’aimer son prochain comme soi-même ». On voit donc que Yeshua et Hillel ont le même point de vue sur cette question et on pourrait s’arrêter là. Cependant dans l’Évangile de Luc, on voit que le docteur de la loi, membre du parti des pharisiens, va demander à Yeshua : « Qui est mon prochain ? » Et c’est là que les choses deviennent intéressantes !

 « Un docteur de la loi se leva, et dit à Jésus, pour l’éprouver : Maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? Jésus lui dit : Qu’est-il écrit dans la loi ? Qu’y lis-tu? Il répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force, et de toute ta pensée; et ton prochain comme toi-même. Tu as bien répondu, lui dit Jésus; fais cela, et tu vivras. Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus : Et qui est mon prochain ? […] Un sacrificateur, qui par hasard descendait par le même chemin, ayant vu cet homme, passa outre. Un Lévite, qui arriva aussi dans ce lieu, l’ayant vu, passa outre. Mais un Samaritain, qui voyageait, étant venu là, fut ému de compassion lorsqu’il le vit. […] Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands ? […] » (Luc 10:25-37)

Les rabbins du premier siècle avaient tendance à raconter des paraboles à leur audience en suivant tous la même trame.  L’un des gabarits les plus répandus dans les textes écrits est celui du prêtre, du lévite et du pharisien. Peu importe le sujet de la parabole, les personnages étaient toujours les mêmes et ils jouaient tout le temps le même rôle. Le prêtre (de la classe des sadducéens) s’y prenait toujours mal, de même que le lévite tandis que le pharisien avait la bonne attitude ou réponse.

En réponse à la question du docteur de la loi, membre du parti des pharisiens sur l’identité du prochain, Yeshua raconte une parabole qui suit le schéma habituel. Un homme est roué de coups et a besoin d’aide. Le prêtre et le lévite refusent, l’un et l’autre agissant ainsi en conformité avec les instructions de la Loi (Lévitique 21:1-4; Nombres 19:11-16). À ce stade du récit, l’audience s’attendait à ce que ce soit le pharisien qui vienne sauver la mise. Cependant, Yeshua change la chute et c’est plutôt un Samaritain qui a le beau rôle. 

  • Répudiation d’une femme par son époux (Matthieu 19:1-12)

En ce qui concerne les motifs de répudiation, Shammaï soutenait que seule l’infidélité pouvait être une cause valable tandis que Hillel soutenait qu’un époux pouvait renvoyer sa femme pour n’importe quelle raison. Or qu’est-ce que Yeshua répond lorsque la question lui est posée par des pharisiens ?

« […] Les pharisiens l’abordèrent, et dirent, pour l’éprouver : Est-il permis à un homme de répudier sa femme pour un motif quelconque ? (Matthieu 19:3)

« Mais je vous dis que celui qui répudie sa femme, sauf pour infidélité, et qui en épouse une autre, commet un adultère. » (Matthieu 19:9)

Ainsi, sur la question de la répudiation d’une épouse, il y a une convergence entre les positions de Shammaï et Yeshua.

 

Ceci dit, est-ce que ces concordances ponctuelles entre les points de vue de Yeshua, Shammaï et Hillel sont suffisantes pour dire que le Messie était un pharisien sur le plan doctrinal ?

Yeshua est la Parole de Dieu, IL est Dieu fait homme (et non l’inverse), IL est la vérité.

« Or, Jésus s’était écrié : Celui qui croit en moi croit, non pas en moi, mais en celui qui m’a envoyé; et celui qui me voit, voit celui qui m’a envoyé. Je suis venu comme une lumière dans le monde, afin que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres. Si quelqu’un entend mes paroles et ne les garde point, ce n’est pas moi qui le juge; car je suis venu non pour juger le monde, mais pour sauver le monde.  Celui qui me rejette et qui ne reçoit pas mes paroles a son juge; la parole que j’ai annoncée, c’est elle qui le jugera au dernier jour. Car je n’ai point parlé de moi-même; mais le Père, qui m’a envoyé, m’a prescrit lui-même ce que je dois dire et annoncer. Et je sais que son commandement est la vie éternelle. C’est pourquoi les choses que je dis, je les dis comme le Père me les a dites. » (Jean 12:44-50)

Pour la majorité des juifs messianiques qui reconnaissent notamment la divinité de Yeshua, ce dernier n’était ni un pharisien, ni un essénien, ni un zélote ou un sadducéen. Selon la plupart des congrégations messianiques, le judaïsme rabbinique, qui a émergé lentement à partir du 6e siècle av. J.-C., et qui s’est imposé, après la destruction du Second Temple. comme l’expression primaire et distinctive de la foi juive, ne correspond pas à la religion dont il est question dans les Écritures, notamment dans le TaNaKh. Aux yeux de ces croyants juifs, les enseignements de Yeshua s’inscrivent dans la lignée du judaïsme biblique. À l’opposé, d’autres groupes de juifs messianiques estiment que le judaïsme messianique ne serait qu’un énième courant du judaïsme rabbinique, à l’instar du judaïsme ultra-orthodoxe, orthodoxe, du mouvement Massorti et du judaïsme réformé.

 

L’apôtre Paul, une figure clivante

 

Si la judéité de Yeshua ne pose pas de problème à la plupart des juifs, peu importe leurs croyances religieuses, Sha’ûl (Saul) de Tarse est, en revanche, considéré comme un traître. Il est accusé d’être à l’origine d’une nouvelle religion, le christianisme, en insistant sur le rejet de la Loi de Moïse et ce faisant, d’avoir renié ses origines.

Au commencement, il n’y avait pas de christianisme, mais plutôt la Voie, cette secte parmi tant d’autres, composée des disciples de Yeshua et qui s’est développée au sein du judaïsme de l’époque du Second Temple. Au début de notre ère, si un non-juif souhaitait vivre selon les préceptes religieux du peuple juif, il avait le choix entre devenir :

  • un craignant-Dieu : c’était une personne qui ne s’était pas convertie au judaïsme donc ne pratiquait pas cette religion dans son intégralité. Ces personnes ne s’étaient pas non plus fait circoncire mais elles avaient le droit d’assister aux services du sabbat à la synagogue. Comme le nom l’indique, un craignant-Dieu ne faisait pas partie de la nation d’Israël mais avait tout de même décidé de craindre et d’adorer le Dieu d’Abraham, Isaac et Jacob, à l’instar de Corneille, Lydie et Justus.

« Il y avait à Césarée un homme nommé Corneille, centenier dans la cohorte dite italienne. Cet homme était pieux et craignait Dieu, avec toute sa maison; il faisait beaucoup d’aumônes au peuple, et priait Dieu continuellement. » (Actes 10:1-2)

« L’une d’elles, nommée Lydie, marchande de pourpre, de la ville de Thyatire, était une femme craignant Dieu, et elle écoutait. Le Seigneur lui ouvrit le cœur, pour qu’elle fût attentive à ce que disait Paul. Lorsqu’elle eut été baptisée, avec sa famille, elle nous fit cette demande : Si vous me jugez fidèle au Seigneur, entrez dans ma maison, et demeurez-y. Et elle nous pressa par ses instances. » (Actes 16:14-15)

« Et sortant de là, il entra chez un nommé Justus, homme craignant Dieu, et dont la maison était contiguë à la synagogue. » (Actes 18:7)

  • un prosélyte : il s’agit d’un craignant-Dieu qui avait décidé de se faire circoncire et d’observer toute la Loi (de Moïse). Un tel non-juif pouvait prendre part aux fêtes d’Israël, notamment aux célébrations de la Pâque.

« Si un étranger (ger) en séjour chez toi veut faire la Pâque de l’Éternel, tout mâle de sa maison devra être circoncis; alors il s’approchera pour la faire, et il sera comme l’indigène; mais aucun incirconcis n’en mangera. » (Exode 12:48)

C’est ainsi que dès la constitution du corps du Messie, l’Église, va se poser la question des conditions d’adhésion des non-juifs à la Voie, un mouvement qui était seulement composé de juifs de naissance. Était-ce suffisant pour les non-juifs d’être des craignant-Dieu ou devaient-ils devenir des prosélytes, afin d’être admis comme membres de la Voie ? Dans Actes 15:1-29, on constate que des pharisiens, membres de la Voie, exigeaient que les non-juifs deviennent des prosélytes, notamment en se faisant circoncire (Actes 15:1, 5). Au verset 2 du chapitre 15 du Livre des Actes ainsi que dans Galates 2:1-10, Paul participe aux discussions du Concile de Jérusalem auquel a pris part Pierre, l’un des compagnons de route de Yeshua. Le Concile reconnaît que l’Éternel ne faisant pas acception de personne, c’est donc par la grâce résultant de la foi en Yeshua que nous sommes sauvés.

« Alors quelques-uns du parti des pharisiens, qui avaient cru, se levèrent, en disant qu’il fallait circoncire les païens et exiger l’observation de la loi de Moïse. Les apôtres et les anciens se réunirent pour examiner cette affaire. Une grande discussion s’étant engagée, Pierre se leva, et leur dit : Hommes frères, vous savez que dès longtemps Dieu a fait un choix parmi vous, afin que, par ma bouche, les païens entendissent la parole de l’Évangile et qu’ils crussent. Et Dieu, qui connaît les cœurs, leur a rendu témoignage, en leur donnant le Saint-Esprit comme à nous; il n’a fait aucune différence entre nous et eux, ayant purifié leurs cœurs par la foi. Maintenant donc, pourquoi tentez-vous Dieu, en mettant sur le cou des disciples un joug que ni nos pères ni nous n’avons pu porter ? Mais c’est par la grâce du Seigneur Jésus que nous croyons être sauvés, de la même manière qu’eux. » (Actes 15:9-11)

Les conclusions du Concile, qui sont toujours en vigueur à ce jour, ont été les suivantes :

« C’est pourquoi je suis d’avis qu’on ne crée pas des difficultés à ceux des païens qui se convertissent à Dieu (epistrepho – se tourner vers l’adoration du vrai Dieu), mais qu’on leur écrit de s’abstenir des souillures des idoles, de l’impudicité, des animaux étouffés et du sang. Car, depuis bien des générations, Moïse a dans chaque ville des gens qui le prêchent, puisqu’on le lit tous les jours de sabbat dans les synagogues. » (Actes 15:19-21; 21:25)

 

Par conséquent, si Pierre, qui a été un compagnon de route de Yeshua pendant trois ans, a comparé « l’observation de la Loi de Moïse » à un joug pesant (Actes 15 :10) et que Jacques, le frère de Yeshua et chef de l’Église de Jérusalem, n’a pas jugé utile d’imposer aux non-juifs d’observer la Loi en devenant des prosélytes, que reproche-t-on exactement à Saul de Tarse ?

Dans ses épîtres aux Romains et aux Galates, Saul de Tarse va insister sur le fait que tout être humain n’est rendu juste devant l’Éternel (doctrine de la justification) que s’il croit que Yeshua est le Messie. La lettre aux Galates précise que le croyant en Yeshua n’a plus besoin d’effectuer les œuvres de la Loi.

« Nous, nous sommes Juifs de naissance, et non pécheurs d’entre les païens. Néanmoins, sachant que ce n’est pas par les œuvres de la loi que l’homme est justifié, mais par la foi en Jésus-Christ, nous aussi nous avons cru en Jésus-Christ, afin d’être justifiés par la foi en Christ et non par les œuvres de la loi, parce que nulle chair ne sera justifiée par les œuvres de la loi. » (Galates 2:15-16)

 

Avant de répondre aux accusations d’antinomisme (Actes 18 :12-17; 21:18-21) qui pèsent, jusqu’à ce jour, contre Saul de Tarse au sein de certaines assemblées juives messianiques, qu’est-ce que les Écritures nous apprennent exactement sur l’individu ?

  1. Qu’à l’instar de Yeshua, Saul est né, a vécu et est mort comme un juif de naissance. Il n’a jamais renié sa judéité ni ses frères juifs ; bien au contraire !

« Je suis Juif, reprit Paul, de Tarse en Cilicie, citoyen d’une ville qui n’est pas sans importance. Permets-moi, je te prie, de parler au peuple. Le tribun le lui ayant permis, Paul, debout sur les degrés, fit signe de la main au peuple. Un profond silence s’établit, et Paul, parlant en langue hébraïque, dit :[…] » (Actes 21:39-40)

« […] moi, circoncis le huitième jour, de la race d’Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu né d’Hébreux; quant à la loi, pharisien; quant au zèle, persécuteur de l’Église; irréprochable, à l’égard de la justice de la loi. » (Philippiens 3:5-6)

  1. Saul était un membre du parti des pharisiens et a été instruit par Rabban Gamaliel l’Ancien, le petit-fils d’Hillel l’Ancien, un membre du Sanhédrin (Actes 5 :34-39).

« […] je suis Juif, né à Tarse en Cilicie; mais j’ai été élevé dans cette ville-ci, et instruit aux pieds de Gamaliel dans la connaissance exacte de la loi de nos pères, étant plein de zèle pour Dieu, comme vous l’êtes tous aujourd’hui. J’ai persécuté à mort cette doctrine, liant et mettant en prison hommes et femmes. Le souverain sacrificateur et tout le collège des anciens m’en sont témoins. J’ai même reçu d’eux des lettres pour les frères de Damas, où je me rendis afin d’amener liés à Jérusalem ceux qui se trouvaient là et de les faire punir. » (Actes 22:3-5)

« Vous avez su, en effet, quelle était autrefois ma conduite dans le judaïsme, comment je persécutais à outrance et ravageais l’Église de Dieu, et comment j’étais plus avancé dans le judaïsme que beaucoup de ceux de mon âge et de ma nation, étant animé d’un zèle excessif pour les traditions de mes pères. » (Galates 1:13-14)

Même après avoir reconnu Yeshua comme le Messie, Saul a continué de s’identifier comme un membre du parti des pharisiens.

« Paul, sachant qu’une partie de l’assemblée était composée de sadducéens et l’autre de pharisiens, s’écria dans le sanhédrin : Hommes frères, je suis pharisien, fils de pharisiens; c’est à cause de l’espérance et de la résurrection des morts que je suis mis en jugement. » (Actes 23:6)

  1. Saul n’a JAMAIS changé de nom ni reçu d’autre nom de la part de Yeshua comme ce fût le cas pour Pierre (Abram et Jacob). Aucun changement de nom n’a eu lieu sur le chemin de Damas où le Seigneur s’est d’ailleurs adressé en hébreu à Saul et en l’appelant par ce nom.

« Comme il était en chemin, et qu’il approchait de Damas, tout à coup une lumière venant du ciel resplendit autour de lui. Il tomba par terre, et il entendit une voix qui lui disait : Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? Il répondit : Qui es-tu, Seigneur ? Et le Seigneur dit : Je suis Jésus que tu persécutes. Il te serait dur de regimber contre les aiguillons. » (Actes 9:3-5 ; cf. 26:14-15)

« Alors Saul, appelé aussi Paul, rempli du Saint-Esprit, fixa les regards sur lui, […] » (Actes 13:9)

Saul n’est pas le seul individu du Nouveau Testament qui a deux prénoms, en l’absence de toute intervention divine. Barnabas était le surnom de Joseph (Actes 4 :36), Marc, celui de Jean, le cousin de Barnabas (Actes 15:37; Colossiens 4:10), un certain Siméon était appelé le Niger (Actes 13 :1) et l’apôtre Thomas, le sceptique, était aussi appelé Didyme (Jean 21 :2).

  1. Est-ce que le fait de prêcher l’Évangile auprès des non-juifs a transformé Saul en l’un d’entre eux ? S’est-il converti à une nouvelle religion ?

ABSOLUMENT PAS!

Il est courant parmi les croyants, surtout de la part de personnes non juives comme moi, de parler de « conversion de Saul au christianisme ». D’ailleurs, le fait de parler de l’apôtre Paul ou de Saint Paul nous conforte dans ce raccourci erroné. Si les non-juifs qui entendaient parler de Yeshua à l’époque du Second Temple, se convertissaient à Dieu (epistrepho), ce n’est pas le cas de Saul de Tarse qui a rencontré et reconnu le Messie promis aux juifs (puis aux nations) sur le chemin de Damas. Lorsque Saul admet que Yeshua est le Messie, il devient alors un adepte de la Voie, à l’instar de Nicodème, d’autres pharisiens et certains chefs de synagogue qui avaient cru auparavant comme lui. Contrairement aux non-juifs à qui il prêchait l’Évangile, Saul de Tarse, le juif pratiquant et membre du parti des pharisiens, ne s’est jamais « converti à Dieu » en devenant un adepte de la Voie. Il a plutôt délaissé les « traditions des hommes » pour revenir à ce que disait et avait prédit le TaNaKh. Saul, le juif membre du parti des pharisiens, a tout simplement fait t’shuvah (traduit aussi en grec dans le Nouveau Testament, par epistrepho) en rebroussant chemin par rapport à ses erreurs doctrinales et a reconnu Son Messie.

« En conséquence, roi Agrippa, je n’ai point résisté à la vision céleste : à ceux de Damas d’abord, puis à Jérusalem, dans toute la Judée, et chez les païens, j’ai prêché la repentance (metanoeo) et la conversion (epistrepho) à Dieu, avec la pratique d’œuvres dignes de la repentance. » (Actes 26:19-20)

Même si juifs et non-juifs sont UN en Yeshua (Romains 10 :12-13 ; Galates 3 :28; Éphésiens 2 :11-18), Saul n’est jamais devenu un non-juif après sa rencontre sur le chemin de Damas et qui se ferait désormais appelé uniquement Paul.

« Je dis donc : Dieu a-t-il rejeté son peuple ? Loin de là ! Car moi aussi je suis Israélite, de la postérité d’Abraham, de la tribu de Benjamin. ! » (Romains 11:1)

Aux yeux des juifs de son époque qui n’avaient pas reconnu Yeshua comme étant le Messie, Sha’ûl était devenu un notzrim (Actes 24 :5) tandis que les non-juifs l’auraient qualifié de christianoi (Actes 11 :26). Par ailleurs, lorsqu’on évoque l’allégeance religieuse de Saul de Tarse, il est très important de garder en tête que le christianisme tel que nous le concevons aujourd’hui, c’est-à-dire cette religion qui n’a plus aucun lien avec le judaïsme, n’existait pas encore au moment de la vie terrestre de l’apôtre des Nations. C’est donc un anachronisme que de qualifier Saul de chrétien.

  1. Paul a continué à observer les prescriptions de la Loi

Dans Actes 21 :17-26, Luc nous fait part des rumeurs et accusations dont Saul fait l’objet à Jérusalem, en raison de ses voyages missionnaires auprès des non-juifs :

« Or, ils ont appris que tu enseignes à tous les Juifs qui sont parmi les païens à renoncer à Moïse, leur disant de ne pas circoncire les enfants et de ne pas se conformer aux coutumes. » (Actes 21 :21)

Jacques conseille alors à Saul de prendre le statut de nazir(éen) (Nombres 6 :1-21) afin de confondre ses détracteurs et de prouver que lui aussi se « condui[t] comme un observateur de la Loi. » (Actes 21:24 ; cf. 18 :18)

« Alors Paul prit ces hommes, se purifia, et entra le lendemain dans le temple avec eux, pour annoncer à quel jour la purification serait accomplie et l’offrande présentée pour chacun d’eux. » (Actes 21:26)

Si Saul disait aux juifs de la diaspora de ne pas de conformer aux coutumes en ne pratiquant pas la circoncision, pourquoi a-t-il encouragé Timothée, le fils d’une femme juive fidèle (2 Timothée 1:5), qui a élevé son fils en lui enseignant la connaissance du vrai Dieu (2 Timothée 3:15), et d’un père grec à être circoncis ?

« Il se rendit ensuite à Derbe et à Lystre. Et voici, il y avait là un disciple nommé Timothée, fils d’une femme juive fidèle et d’un père grec. Les frères de Lystre et d’Icone rendaient de lui un bon témoignage.  Paul voulut l’emmener avec lui; et, l’ayant pris, il le circoncit, à cause des Juifs qui étaient dans ces lieux-là, car tous savaient que son père était grec. (Actes 16:1-3)

Contrairement à Tite né d’un père et d’une mère grecs, Timothée, qui était à moitié juif de par sa mère, a été élevé comme tel à l’exception de la pratique du rituel de la circoncision qui était en horreur aux Grecs. Il n’était donc pas contradictoire que Saul propose la circoncision de Timothée, afin de ne pas offenser les juifs qu’ils pourraient rencontrer pendant leurs missions d’évangélisation et qu’il s’oppose fermement à celle de Tite (Galates 2:3). En agissant de la sorte, Saul observait « les décisions des apôtres et des anciens de Jérusalem. » (Actes 16 :4)

 

Comment réconcilier alors tous ces évènements de la vie de Saul avec ce qu’il affirme dans Galates 2 :16 ? Pourquoi a-t-il continué à suivre les prescriptions de la Loi alors qu’il écrit aux Galates (des non-juifs) que les œuvres de celles-ci ne servent à rien ? Les réponses à ces questions se trouvent dans cette précédente publication en deux parties sur la Loi de Moïse.

 

Saul de Tarse a donc souligné que si une personne suivait et appliquait les prescriptions de la Loi, avant tout et uniquement parce qu’elle espérait récolter de bons points et être déclarée juste devant l’Éternel, c’était peine perdue. En effet, la seule façon désormais d’atteindre cet objectif est de croire que Yeshua est le Messie et de vivre selon Ses enseignements. Cette nuance très importante faite par Saul, aux jeunes assemblées de croyants juifs et non juifs situées à l’extérieur de Jérusalem, était que le salut obtenu par la grâce n’avait rien à voir avec le respect à la lettre des ordonnances de la Loi.

« Voici, moi Paul, je vous dis que, si vous vous faites circoncire, Christ ne vous servira de rien. Et je proteste encore une fois à tout homme qui se fait circoncire, qu’il est tenu de pratiquer la loi tout entière. Vous êtes séparés de Christ, vous tous qui cherchez la justification dans la loi; vous êtes déchus de la grâce. Pour nous, c’est de la foi que nous attendons, par l’Esprit, l’espérance de la justice. Car, en Jésus-Christ, ni la circoncision ni l’incirconcision n’a de valeur, mais la foi qui est agissante par la charité. » (Galates 5 :2-6)

Saul n’a jamais dit aux juifs de ne plus respecter la Loi, mais plutôt que les raisons pour lesquelles ils le faisaient (désir de justification devant Dieu) étaient désormais caduques. Quant aux non-juifs, c’est bien le Concile de Jérusalem et non, Saul tout seul, qui a décidé qu’ils n’avaient pas besoin de devenir des prosélytes pour se joindre au mouvement de la Voie. Les enseignements de Saul s’inscrivent dans la lignée de ceux de Yeshua. Au sujet de la Loi, Saul a confirmé que Yeshua était venu pour accomplir la Loi (Matthieu 5 :17), c’est-à-dire pour réaliser l’objet de celle-ci.

« La loi est-elle donc contre les promesses de Dieu ? Loin de là ! S’il eût été donné une loi qui pût procurer la vie, la justice viendrait réellement de la loi. Mais l’Écriture a tout renfermé sous le péché, afin que ce qui avait été promis fût donné par la foi en Jésus-Christ à ceux qui croient. Avant que la foi vînt, nous étions enfermés sous la garde de la loi, en vue de la foi qui devait être révélée. Ainsi la loi a été comme un pédagogue pour nous conduire à Christ, afin que nous fussions justifiés par la foi. La foi étant venue, nous ne sommes plus sous ce pédagogue. » (Galates 3:21-25)

 

Eschatologie

Avant-propos: je vais me contenter de donner, dans les grandes lignes, le point de vue le plus répandu, sans m’étendre sur les nuances et les divergences qui existent même parmi les partisans de cette thèse (le prémillénarisme).

En ce qui concerne la fin des temps (eschatologie), la plupart des juifs messianiques sont prémillénaristes. Leur interprétation d’Apocalypse 20 :1-5 est que Yeshua reviendra une seconde fois afin de régner pendant 1000 ans sur terre. Quelque temps avant ce second avènement, il surviendra l’« Enlèvement de l’Église ». Sur la foi de Jean 14 :1-3 ; 1 Corinthiens 15 :22-24, 51-55 et 1 Thessaloniciens 4 :13-18, les partisans de la théorie de l’Enlèvement croient qu’à un moment fixé par Dieu, Yeshua viendra sur les nuées afin de prendre avec Lui son Église (c’est-à-dire l’ensemble des croyants, le corps du Messie) afin qu’elle soit à jamais avec Lui dans les cieux, tandis que le reste de l’humanité restera sur la terre. Au moment de l’Enlèvement, les personnes qui sont mortes en tant que croyants ressusciteront. Quant aux croyants qui seront vivants à ce moment, ils seront transformés et recevront un corps incorruptible pour être emmenés dans les cieux. C’est seulement après l’Enlèvement de l’Église, que débutera le règne de 1000 ans de Yeshua sur terre, une période pendant laquelle Satan sera lié. Une fois le Millénium achevé, Satan sera délié.

Bien entendu, ces congrégations juives messianiques et prémillénaristes croient également que le retour du peuple d’Israël sur ses terres et la reconstruction du troisième Temple sont des conditions et des signes précurseurs du Second avènement du Messie.

 

Les dons de l’Esprit

On retrouve aussi chez les juifs messianiques les débats de nature « continuationnisme vs cessationnisme », pour ce qui est de la manifestation des dons de l’Esprit saint. En un mot, certaines congrégations juives messianiques sont charismatiques (même si elles refuseront l’emploi du terme) et croient que tous les dons spirituels, y compris ceux de guérisons, le parler en langues, les miracles, sont encore opérants. D’autres, en général d’obédience baptiste, croient que ces dons spirituels qualifiés parfois d’extraordinaires ont cessé d’exister à la fin de l’ère apostolique.

 

Ainsi se termine la section sur les principales divergences doctrinales que l’on retrouve au sein du judaïsme messianique. Le prochain article de la série portera sur les principaux rites pratiqués dans les assemblées messianiques, ainsi que les différentes structures que celles-ci peuvent revêtir en tant qu’assemblées de croyants.

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L’opinion exprimée dans ce billet n’engage que son auteure.

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