Le rôle du mari dans l’atteinte de la félicité conjugale

J’ai découvert récemment et par hasard, un concept juif qui m’a fait aussitôt penser aux exhortations que font les apôtres Pierre et Paul aux époux. Il s’agit de la notion de Shalom Bayit qui représente la félicité conjugale, la paix au sein du couple. Dans quelques-unes de leurs lettres, l’apôtre des juifs et celui des non-juifs (Galates 2:7-9), donnent les mêmes conseils en vue d’un mariage stable, paisible et reflétant l’amour du Messie pour sa fiancée, l’Église : le mari doit aimer sa femme et cette dernière doit être soumise à son bien-aimé (1 Pierre 3:1-7; Éphésiens 5:22-33). J’ai remarqué que la grande majorité des sermons que l’on trouve en ligne ou entend dans les communautés chrétiennes sur le couple met toujours l’accent sur les devoirs de respect et de soumission de la femme envers son époux. On finit presque par penser que la préservation de l’harmonie conjugale semble reposer seulement sur les épaules de la femme. Est-ce vrai?

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Source: Ketouba Yemen 1795 – Wikimedia Commons

 

En tant qu’homme marié, Pierre devait connaître les obligations qu’emporte la signature de la Ketouba, le contrat de mariage juif. La Ketouba est un document qui est signé uniquement par le futur marié et qui contient les promesses de celui-ci envers son épouse. Bien qu’il lie formellement les deux parties, cet avant-contrat ne mentionne que les engagements que le fiancé prend devant l’Éternel, envers l’aide qui est son vis-à-vis (Ezer ke’negdo) (Genèse 2:18). Dans la société très patriarcale de l’époque, le but de la Ketouba est de protéger les droits de la femme pendant le mariage et en cas de divorce. À quoi s’engage donc, entre autres, l’homme qui appose sa signature au bas de la Ketouba? À travailler, honorer, pourvoir aux besoins et assister sa promise! Ce sont les verbes qui figurent dans le document. Lorsque j’ai vu le mot « honorer », j’ai pensé aussitôt à l’injonction de Pierre : « Maris, montrez à votre tour de la sagesse dans vos rapports avec vos femmes, comme avec un sexe plus faible; honorez-les, comme devant aussi hériter avec vous de la grâce de la vie. Qu’il en soit ainsi, afin que rien ne vienne faire obstacle à vos prières. » (1 Pierre 3 :7)

 

Il semble qu’il soit traditionnellement recommandé au mari dans le judaïsme, d’aimer sa femme comme lui-même et de l’honorer plus que lui-même. Est-ce que cette consigne faisait partie des us et coutumes à l’époque du 2nd Temple, quand Pierre donne ces conseils aux époux? Je ne saurais le dire. Par contre, elle est semblable à celles faites par Paul aux Éphésiens, dans la mesure où l’amour du mari pour son épouse s’évalue à l’aune de l’amour qu’il a pour lui-même :

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Source: GunnerPoulsen|Wikimedia Commons

« Maris, aimez vos femmes, comme Christ a aimé l’Église, et s’est livré lui-même pour elle, […] » (Éphésiens 5:25)

« C’est ainsi que les maris doivent aimer leurs femmes comme leurs propres corps. Celui qui aime sa femme s’aime lui-même. » (Éphésiens 5:28)

« Du reste, que chacun de vous aime sa femme comme lui-même, et que la femme respecte son mari. » (Éphésiens 5:33)

En général, lorsque nous lisons la Bible, le verbe « honorer » nous renvoie toujours au décalogue : « Honore ton père et ta mère » (Deutéronome 5:16; Exode 20:12; Matthieu 19:19; Éphésiens 6:2). Dans le langage courant, lorsqu’on parle d’honorer, on a cette idée d’attitude révérencieuse teintée d’admiration pour une personne qui est quelque part au-dessus de nous. Présenté ainsi, il semble exister une contradiction avec les passages bibliques qui nous disent que c’est plutôt l’époux qui est au-dessus de sa femme et que c’est lui qui doit être le bénéficiaire d’une attitude révérencieuse (1 Corinthiens 11:3; Éphésiens 5:23;33). Que voulait donc dire Pierre en exhortant les maris à honorer leurs épouses? Qu’est-ce que ça veut dire concrètement d’accorder à son épouse une part d’honneur?

 

Eh bien, l’époux peut rendre honneur à sa femme en lui parlant avec douceur et non avec de la condescendance ou de l’irritation : « Maris, aimez vos femmes, et ne vous aigrissez pas contre elles » (Colossiens 3:19). Proverbes 31:10-31, le texte de référence sur l’épouse idéale, indique au verset 28 que le mari d’une telle femme chante ses louanges. Il doit notamment le faire devant les enfants afin que ceux-ci grandissent avec une vision saine de la façon dont un homme de Dieu, vrai et sincère dans sa foi, traite son épouse et de façon générale les femmes. Tout comme Elkanah, l’époux d’ Hannah (Anne), le mari doit s’enquérir de ce qui chagrine son épouse (1 Samuel 1:8) et intercéder pour elle dans la prière comme l’a fait Isaac (Genèse 24:21). Si le couple traverse une situation douloureuse ou inédite, au lieu de s’isoler et de penser faire preuve de virilité ou assumer ses responsabilités d’époux en n’exprimant aucune émotion, l’homme pourra s’inspirer du roi David et de Manoach. Le premier, un berger devenu par la suite un redoutable homme de guerre (1 Samuel 18:5-7) et connu comme l’homme selon le cœur de Dieu (1 Samuel 13:24; Actes 13:22), n’a non seulement pas caché sa détresse face à la maladie de son nouveau-né (2 Samuel 12:16-17), mais a réconforté Bathsheba à la mort de celui-ci (2 Samuel 12:24). Quant au second, quand son épouse lui a rapporté avoir reçu la visite d’un ange, il s’est empressé de se tourner vers l’Éternel afin d’obtenir plus de précisions quant à ce qu’il fallait faire par la suite (Juges 13:2-23). Honorer son épouse veut aussi dire la laisser exprimer son point de vue même si on ne le partage pas, comme Abraham a fait avec Sarah (Genèse 21:10). Si cette dernière appelait son mari, « mon seigneur » (Genèse 18:12; 1 Pierre 3:6), celui-ci en retour la traitait avec une grande considération. Même si la décision qu’il prend de faire passer Sarah pour sa sœur auprès du pharaon ne peut pas être qualifiée de brave et d’honorable, Abraham qui est pourtant issu d’une société très patriarcale, admet son manque de courage à son épouse et lui demande humblement sa coopération pour le succès de la ruse :

« Comme il était près d’entrer en Égypte, il dit à Saraï, sa femme : Voici, je sais que tu es une femme belle de figure. Quand les Égyptiens te verront, ils diront : C’est sa femme ! Et ils me tueront, et te laisseront la vie. Dis, je te prie, que tu es ma sœur, afin que je sois bien traité à cause de toi, et que mon âme vive grâce à toi. » (Genèse 12:11-13)

 

Il est aussi important de veiller à ne pas humilier son épouse en aucune façon, d’une quelconque manière et quelque soit la raison. Prenons l’exemple du père adoptif du Messie, Joseph! À l’époque du second Temple, le mariage chez les juifs est très différent de nos pratiques contemporaines. Il y a d’abord une période d’engagement du fiancé envers la jeune fille, appelée Erusin, et qui est mentionnée dans nos Bibles sous le terme « fiançailles ». C’est pendant l’Erusin qu’est signée la Ketouba qui à cette époque représente, une promesse de conclure ultimement un mariage, le Nisuin. Une fois signée, la Ketouba liait l’homme et la femme qui étaient considérés comme mari et femme par la société, mais sans qu’ils vivent ensemble, la cohabitation ne survenant qu’après le Nisuin. Plusieurs mois s’écoulaient entre l’Erusin et le Nisuin. C’est ainsi que lorsque Joseph apprend que Miriam (Marie) est enceinte, ils se trouvent tous les deux pendant l’Erusin (Matthieu 1:18; Luc 1:27; Luc 2:5). Puisque Joseph est considéré comme étant l’époux de Marie, il peut demander le divorce s’il la soupçonne d’avoir été infidèle. Le recours juridique dont Joseph doit se saisir est décrit dans Nombres 5:11-31; Deutéronome 24;1. Il s’agit d’une procédure publique qui aurait exposé la situation de Marie. Pourtant, la Bible nous dit que non seulement Joseph a voulu dans un premier temps se séparer de Marie en secret afin de ne pas déshonorer le nom de cette dernière, mais il l’a ensuite prise chez lui (Matthieu 1:19-25). Ce détail est très important, car n’oublions pas que Marie est tombée enceinte du Messie pendant l’Erusin alors qu’elle ne vivait pas avec son mari. Cependant, Joseph a fait fi du qu’en-dira-t-on et a honoré sa promise par ses actions.

House on a rock
Source: Jim Champion/ Cliff, revetment and a precariously placed house, Portreath beach / Wikimedia Commons

 

Les Psaumes 127 et 128 nous disent respectivement

« Si l’Éternel ne bâtit la maison, Ceux qui la bâtissent travaillent en vain; » (Psaume 127:1)

« Heureux tout homme qui craint l’Éternel, Qui marche dans ses voies! […] Ta femme est comme une vigne féconde Dans l’intérieur de ta maison; Tes fils sont comme des plants d’olivier, Autour de ta table. C’est ainsi qu’est béni L’homme qui craint l’Éternel. » (Psaume 128:1;3-4)

Je trouve que ces versets illustrent parfaitement la félicité conjugale. Et comment s’acquiert-t-elle? Par la crainte de Dieu, qu’exerce l’époux. Les promesses de paix domestique qui se trouvent aux psaumes 127 et 128 s’adressent à l’homme qui craint l’Éternel et fuit le mal sous toutes ses formes (Écclésiaste 12:13-14). Il ne le nie pas, ne le rationalise pas, ne le justifie pas, n’y trouve pas des excuses, n’en minimise pas les proportions pas (Proverbes 8:13; Proverbes 16:6). S’il veut recevoir les bénédictions divines relatives à un foyer paisible et qui se traduisent par le Shalom Bhayit, le mari doit se conformer à la Parole de Dieu. D’ailleurs, Pierre le dit en conclusion de son conseil aux maris : « Qu’il en soit ainsi, afin que rien ne vienne faire obstacle à vos prières. » (1 Pierre 3 :7)

 

Très peu de prêtres, pasteurs ou enseignants religieux prennent la peine d’expliquer ce que c’est que d’aimer son épouse (et ses enfants) comme le Christ l’a fait pour l’Église, encore moins que le mari doit honorer sa femme. Souvent, les obligations du mari sont réduites à la satisfaction de contingences matérielles et à une capacité à résister mentalement aux vicissitudes de la vie. Cependant, est-ce que l’Éternel se contente ou estime avoir fait sa part en pourvoyant uniquement à nos besoins matériels? Est-ce qu’on est un époux solide comme un roc, quand on est sévère et stoïque 24/7 afin d’illustrer que l’on est un patriarche avec de grandes responsabilités familiales? Est-ce ainsi qu’ADONAI s’adresse à ses créatures, de la Genèse à l’Apocalypse, en tout temps? Est-ce qu’on est un mari responsable quand on s’adresse à son épouse comme à une enfant incapable ou qu’elle nous sert de sac de frappe verbal ou physique? Quel est le ton que le Seigneur adopte pour nous expliquer les choses, nous admonester ou nous exhorter à la repentance? Aurions-nous oublié la signification du nom de notre Messie, de ce Dieu que ces époux « chrétiens » disent craindre, suivre et servir? Un homme qui n’honore pas son épouse, honore-t-il YESHUA, « le Dieu qui sauve, délivre », celui qui rachète de de l’oppression et qui a en horreur l’abus de droit? (Psaume 11:5; Psaume 72:12, 14)


L’opinion émise dans ce billet n’engage que son auteure.

J’ai rédigé ce billet en pensant à toutes les femmes chrétiennes qui vivent et subissent derrière les portes closes, en silence et dans la honte, de l’abus verbal, psychologique, physique et sexuel de la part de leurs conjoints. Beaucoup d’entre elles sont trahies et abandonnées par le Corps du Christ qui, au lieu de veiller à reprendre celui qui a transgressé la Parole de Dieu afin que le péché ne subsiste plus au milieu de l’Église, préfère faire preuve de lâcheté en ne prenant aucune action contre l’agresseur en série. Les épouses bafouées, battues et abusées doivent rajouter l’abus spirituel à leurs maux puisque des versets bibliques tronqués ou pris hors contexte leur sont cités pour qu’elles normalisent, continuent d’accepter et d’endurer ce qui ne correspond absolument pas à l’idée que l’Éternel avait du mariage quand il a créé cette institution.

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